La participation des personnes concernées par la précarité et le handicap : regards croisés entre une bénéficiaire et une professionnelle

Préambule :
Notre intervention se fait à deux. Nous avons choisi de le faire, car, dans le cadre d’une relation bénéficiaire/assistante sociale, notre rencontre nous a permis de « grandir », de nous lier dans les apports respectifs dont nous avons bénéficiés lors de notre collaboration.
Actuellement, notre relation est devenue amicale, car l’assistante sociale est en retraite et n’a plus charge de la situation de la bénéficiaire.
À travers nos diverses expériences et nos regards croisés, nous souhaitons mettre en lumière les obstacles et les ressources que chacune d'entre nous avons rencontrés et les apprentissages relationnels vécus par chacune d'entre nous.
Pour Karine :
• Mon parcours de participations à des activités de formation :
- Enseignante dans des formations de travailleurs sociaux et de la santé
- Manifeste Collectif Dignité (différents Groupes de Travail)
- Formation pour les personnes en situation de handicap qui souhaitent s'investir en politique
 Obstacles :
 État de santé (de manière générale)
 Salaire déduit du budget de l'aide sociale
 Sentiment de ne pas avoir ma place/ne pas être légitimée (Collectif Dignité)
 Statut de "Bénéficiaire" (ex-bénéficiaire de l'aide sociale, bénéficiaire d'une association pour les personnes en situation de handicap)
 Ressources :
 Personnes
 Bienveillance de personnes
 Ma curiosité et ma persévérance
 Me sentir utile/ vivante/valorisée
 A permis de donner un sens à mon passage à l'aide sociale (module de formation)
 Outils pour me défendre (juridiques, etc.)
 Nouvelles connaissances
 Constitution d'un réseau dans le milieu du TS
 Partager/faire état de violences institutionnelles
• Des retours constructifs :
 Des étudiant-e-s :
 Mon vécu (à l'aide sociale)
 Regards différents (sur les usager-ère-s de l'aide sociale)
 Expérience concrète et non juste de la théorie
 Des systèmes/institutions/société :
 Regards différents
 Expérience d'ancienne usagère de l'aide sociale (lors de la révision sur la loi sur l'aide sociale)
Pour Janine, AS :
• Expérience dans l’éducation auprès d’adolescents en rupture sociale
• Expérience dans le cadre de l’enfance et de la jeunesse en tant qu’assistante sociale (AS)
• Expérience en tant qu’AS dans le cadre de l’aide sociale
• Expérience dans le contexte du handicap en tant qu’AS
• Expérience dans le cadre de la violence et de l’aide aux auteur-e-s de violence en tant qu’intervenante
 Obstacles :
 Les lois
 Les politiques
 L'application des lois
 Ressources :
 Être sur le terrain et aiguiller les bénéficiaires
 Être l'intermédiaire des bénéficiaires
 Valoriser et reconnaître les compétences des bénéficiaires
 Mieux interagir avec les bénéficiaires
 Avoir un espace pour s'exprimer et être entendu
 Avoir le sentiment de passer le témoin
 Des systèmes/institutions/société :
 Démontrer que le bénéficiaire est une personne à part entière et est apte à participer aux décisions
 Meilleures connaissances réciproques

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Karine Donzallaz : Bénéficiaire des assurances sociales, comédienne et intervenante externe dans des formations en travail social et santé

Janine Kohler : Assistante sociale et intervenante auprès des auteur-e-s de violence

La participation des personnes concernées par la précarité et le handicap : 



Regards croisés entre une personne bénéficiaire et une professionnelle



  



  



Cette communication a pour but de démontrer comment une collaboration horizontale entre une personne bénéficiaire (PB) et une assistante sociale (AS), peut aboutir à un résultat probant, tant sur les plans professionnels que personnels. La présente intervention se fait à deux. Karine (PB) et Janine (AS) ont choisi de parler de la relation qu'elles ont partagée dans le cadre d'un suivi social au sein d'une association œuvrant pour les personnes en situation de handicap. À travers leur témoignage, leurs diverses expériences et leurs regards croisés, elles souhaitent ici mettre en lumière, les ressources, les apprentissages et les obstacles que chacune d'entre elle a rencontré lors de cette collaboration.







Comme mentionné plus haut, le cadre de la rencontre a été celui du service social d'une association œuvrant pour les personnes en situation de handicap. La mission de Janine était de répondre à la demande de la Karine qui souhaitait faire le point de sa situation administrative. En l'occurrence, Karine avait dû faire appel à l'aide sociale, en attendant une décision de rente invalidité. Il s'agissait alors pour Janine d'examiner les documents officiels reçus et produits par Karine et de vérifier que tous ses droits avaient été appliqués et respectés. La collaboration entre les deux protagonistes a débuté de manière efficiente du fait que Karine avait amené les documents nécessaires à ce premier entretien.







Durant ce premier entretien, Karine a évoqué son histoire personnelle ainsi que les difficultés qui l'avaient conduite à s'adresser au service social dans lequel elle se trouvait. Très rapidement sont apparues les souffrances et les blessures engendrées lors de son passage à l'aide sociale. Force est de constater qu'un système étatique, créé pour aider et accompagner les personnes sans ressources financières et/ou personnelles, peut se révéler être une épreuve supplémentaire, voire un obstacle de par ses agissements : perpétuelles justification, suspicion d'office, déshumanisation, intrusion dans la vie privée, etc.







Pour avoir travaillé durant plus de cinq ans en tant que responsable d'un service d'aide sociale et l'ayant quitté pour des raisons éthiques, Janine a tout de suite été touchée par la situation de Karine et lui a proposé son aide et son soutien dans ses démarches. Elle lui a, par exemple, indiqué où aller rechercher les informations juridiques et légales concernant l'imposition sur les montants rétroactifs des assurances sociales. 







Karine s'est sentie écoutée, considérée et soutenue. En effet, Janine a su répondre aux attentes de Karine. Elle a pris en considération non seulement la situation individuelle mais également la personnalité de cette dernière. La volonté de Karine de comprendre les normes des différentes institutions étatiques et/ou privées a incité Janine à développer ses explications quant aux démarches administratives, aux calculs concernant les aides de l'État, etc. Karine s'est sentie dès lors valorisée, reconnue comme une personne à part entière, sans être infantilisée. Aussi, Janine a su trouver la meilleure posture dans l'accompagnement, ce qui a permis à Karine de se sentir à nouveau plus actrice que spectatrice. 







Au-delà d'une simple écoute, ces échanges ont permis une réelle collaboration. Par ailleurs, le duo a repéré et thématisé certaines lacunes existantes dans le système. Cette démarche analytique avait davantage pour but de conscientiser les limites observées que de trouver des solutions irréalisables voire utopiques. Bien que conscient des difficultés, le duo a poursuivi les démarches afin de trouver des solutions alternatives. De plus, cette analyse a contribué à certaines réflexions sur des agissements contestables de certains services sociaux, tels que priver une PB du montant correspondant à la charge fiscale lors d’un remboursement de la dette de l’aide sociale.







Pour Karine, cette collaboration a permis de retrouver une certaine confiance en elle. Elle s’est sentie à nouveau capable d’agir et de reprendre le contrôle de sa vie. Elle a également pris conscience de sa valeur et de ses compétences. Retrouvant son autonomie personnelle, Karine s’est sentie légitime dans sa volonté de poursuivre les démarches lui permettant de faire reconnaitre et défendre ses droits en tant que personne concernée. Quant à Janine, cette collaboration lui a permis de se sentir confortée dans sa vision de s’adapter aux besoins de Karine plutôt que de répondre à l’efficience attendue par l’institution. En effet, Janine a toujours mis un point d’honneur à prendre en compte la PB dans sa globalité et avoir une approche systémique.







Ce qui ressort de cette expérience est qu'il y a eu un changement de paradigme d’accompagnement. D'une part, lors d'une collaboration horizontale, l'expertise de l'accompagnante se déplace à côté de l'accompagnée. Les échanges sont plus humains et les partages des compétences, entre AS et PB, se consolident. De plus, les apprentissages mutuels se multiplient. D'autre part, les expériences de l'usagère viennent soutenir le développement professionnel de la travailleuse sociale. Chacune progresse dans une collaboration nouvelle, qui sort du registre d'un suivi conventionnelle. Cela démontre toute la pertinence d'une approche individuelle. Celle-ci se révèle positive et productive. 







Finalement, la valorisation des ressources existantes chez la PB, l’établissement d’une relation de confiance ainsi que l’importance des échanges de connaissances entre AS et PB semblent être un moyen d'amoindrir le manque d’humanité et les à priori. Ils permettent également de réduire l’asymétrie des rapports entre AS et PB et deviennent ainsi rassembleurs. 















Repérages théoriques :



- GINESTE Yves, PELLISSIER Jérôme (2011), Humanitude, comprendre la vieillesse, prendre soins des hommes vieux, Paris : A. Colin. 



- DOLTO Françoise (2003), Paroles pour adolescents ou Le complexe du homard, Paris : Gallimard jeunesse-Giboulées. 



- BERIOT Dominique, ROUX DE BÉZIEUX Henry, « L'histoire de la systémique : L'émergence progressive de la pensée circulaire depuis le 18ème siècle », France Management, https://www.systemique.com/la-systemique/ecoles-de-pensee/dou-vient-la-systemique.html (11.06.2022).



- WALBROU Maxence, « Introduction à l’Analyse Systémique (Comprenez ce qui se passe vraiment dans vos problèmes !) », Bloculus, https://bloculus.com/introduction-a-la-systemique/ (11.06.2022).







Référence :







- DONZALLAZ Karine (2021), « Des normes à la pratique. Quels écarts ? », ActualitéSociale, février, p. 24-25. 

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