Fiche Documentaire n° 5962

Titre Formation au travail social et crise écologique : entre engagement et professionnalisation

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Auteur(s) DRUANT cécile
BEAUCAMP julie
GALLIOT donatienne
 
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Formation au travail social et crise écologique : entre engagement et professionnalisation

Cette proposition de communication, sous forme de retour d’expériences et de mise en savoirs, a pour objet de situer la pertinence et l’enjeu de notre démarche de formation, mais aussi ses modalités de mise en œuvre auprès des étudiants de formations d’éducateurs spécialisés et d’assistants de service social.
Le travail social, au regard de sa présence en tant qu’observateur privilégié des questions sociales, est aux premières lignes des conséquences du dérèglement climatique, en particulier sur les populations les plus vulnérables et leurs territoires, entraînant des phénomènes de précarité alimentaire, de précarité énergétique, de tensions et de violences sociales, de troubles de la santé mentale, etc.
Le constat de la crise écologique majeure que nous traversons, d’abord de son existence, ensuite de son ampleur, est nécessaire. Et les chiffres sont terrifiants. Les effondrements se multiplient, les boucles de rétroaction s’enchaînent. L’emballement climatique est lancé et tant que perdureront les perturbations, ce cycle se perpétuera. Chaque citoyen est concerné, parmi lesquels les travailleurs sociaux.
De fait, cette nouvelle question sociale cristallise les préoccupations citoyennes de formateurs en travail social, d’apprenants, de personnes concernées et de travailleurs sociaux, qui construisent et mettent en œuvre des dynamiques sur leurs terrains professionnels respectifs. Ces engagements citoyens impactent la sphère professionnelle et nourrissent leurs actions de terrain.
Au regard de ces enjeux planétaires, notre question centrale a été la suivante : comment la formation initiale en travail social s’empare-t-elle de cette nouvelle question sociale et de son incidence sur les populations et leur territoire de vie ?
A partir de ce questionnement, le plus complexe est, au final, de professionnaliser une question très engageante citoyennement parlant. Comment faire de la transition sociale et écologique un objet de formation transversal et non une préoccupation de quelques individus dans une institution ? Et comment parler d’effondrement sans effondrer ? Qu’avons-nous à garantir pour que les sentiments qui s'expriment ou s’éveillent autour des constats du dérèglement climatique et de ses conséquences se transforment en force pour libérer le pouvoir d’agir des étudiants en tant que futurs travailleurs sociaux ?
Trois principes ont été retenus pour construire notre processus formatif : sensibiliser, comprendre et agir. En effet, dans un premier temps il est essentiel de s’approprier un récit commun des causes et conséquences du dérèglement climatique, le second temps consiste à apporter les éléments scientifiques soutenus par 30 ans de travaux sur ce sujet et mis en lien avec les thématiques de formation des travailleurs sociaux pour enrichir la conceptualisation et enfin, soutenir le passage à l’action, pour engager les chemins de la transition, par l’expérimentation, la mise en œuvre d’actions collectives et la découverte d’iniatives menées sur les territoires.
Partant du postulat que la transition sociale et écologique vise une transformation de la société par l’articulation des enjeux sociaux (lien social, lutte contre la précarité, etc.), écologiques (changement climatique, biodiversité, etc.) et démocratiques (en créant les conditions de la véritable participation), cette perspective ouvre alors pour le travail social des marges d’actions professionnelles pour impulser et créer dans un contexte contraint, des modèles résilients face aux effets du dérèglement climatique. Cette perspective constitue de notre point de vue un enjeu pour la professionnalisation des travailleurs sociaux.

Bibliographie

Bourg, D. Kaufmann, A. Meda, D (2016) L’âge de la transition, En route pour la reconversion écologique, Les petits matins
Deldevre, V. La fabrique des inégalités environnementales en France. Approches sociologiques qualitatives, Revue de l’OFCE, 165,2020/1
Dion, C. (2021), Petit manuel de résistance contemporaine, Actes sud
Laurent, E Ecologie et inégalités, dans revue de l’OFCE 2009/2 (n° 109), 2008
HCTS, Livre vert du travail social (2022)
Hopkins, R. (2010), Manuel de transition, Edition Eco société
Morin, E. (2020), L’entrée dans l’ère écologique, Edition de l’Aube, Mikros Classique
Servigne, P. (2018), Une autre fin du monde est possible, Edition du Seuil, Collection Anthropocène

Présentation des auteurs

Julie Beaucamp : Ingénieure d’études en Ecologie et en droit, SETEC ENERGIE ENVIRONNEMENT
Cécile Druant : Cadre pédagogique, IRTS Hauts de France- Site Métropole Lilloise
Donatienne Galliot : Cadre pédagogique, IRTS Hauts de France- Site Métropole Lilloise

Communication complète

Formation au travail social et crise écologique : entre engagement et professionnalisation

Cette communication, sous forme de retour d’expériences et de mise en savoirs, a pour objet de situer la pertinence et l’enjeu de notre démarche de formation, mais aussi ses modalités de mise en œuvre auprès des étudiants de formations d’éducateurs spécialisés et d’assistants de service social.

Introduction

Le travail social, au regard de sa présence en tant qu’observateur privilégié des questions sociales est aux premières lignes des conséquences du dérèglement climatique, en particulier sur les populations les plus vulnérables et leurs territoires, entrainant des phénomènes de précarité alimentaire, de précarité énergétique, de tensions et de violences sociales, de troubles de la santé mentale…

Le constat de la crise écologique majeure que nous traversons, d’abord de son existence, ensuite de son ampleur mais également de ses conséquences multiples et aujourd’hui encore difficiles à mesurer, est incontestable. Chaque citoyen est concerné, parmi lesquels les travailleurs sociaux.

De fait, cette nouvelle question sociale cristallise les préoccupations citoyennes de formateurs en travail social, d’apprenants, de personnes concernées et de travailleurs sociaux, qui construisent et mettent en œuvre des dynamiques sur leurs terrains professionnels respectifs. Ces engagements citoyens impactent la sphère professionnelle et nourrissent leurs actions de terrain.

Au regard de ces enjeux planétaires, notre question centrale a été la suivante : Comment la formation initiale en travail social s’empare de cette nouvelle question sociale et de son incidence sur les populations et leur territoire de vie ?

A partir de ce questionnement, le plus complexe est, au final, de professionnaliser une question très engageante citoyennement parlant. Comment faire de la transition sociale et écologique un objet de formation transversal et non une préoccupation de quelques individus dans une institution ? Et comment parler d’effondrement sans effondrer ? Qu’avons-nous à garantir et quels leviers pouvons-nous actionner pour que les sentiments qui s'expriment ou s’éveillent autour des constats du dérèglement climatique et de ses conséquences se transforment en force pour libérer le pouvoir d’agir des apprenants en tant que futurs travailleurs sociaux ?

Trois principes ont été retenus pour construire notre processus formatif : sensibiliser, comprendre et agir. En effet, tout d’abord il est essentiel de s’approprier un récit commun des causes et conséquences du dérèglement climatique, ensuite d’apporter les éléments scientifiques soutenus par 30 ans de travaux sur ce sujet et mis en lien avec les thématiques de formation des travailleurs sociaux. Et enfin, soutenir le passage à l’action, pour engager les chemins de la transition, par l’expérimentation, la mise en œuvre d’actions collectives et la découverte d’initiatives menées sur les territoires.

Sensibiliser : s’approprier un récit commun

Depuis quatre ans, à l’IRTS HDF site ML, conscient des incidences actuelles et à venir du réchauffement climatique, nous sensibilisons, dès leur entrée en formation, les apprenants ASS et ES sur cette question. Cette sensibilisation vise à construire les bases d’un récit commun. Nous revenons sur celui-ci au cours de leurs parcours pour le croiser aux questions sociales auxquelles ils seront confrontés.

Porter cette question dès l’entrée en formation des futurs TS, c’est ensemble prendre la mesure du contexte dans lequel nous évoluons et de ses incidences.

Ce processus s’opère au cours d’une journée ou les étudiants identifient et s’approprient les causes et conséquences du règlement climatique à partir d’une animation : La fresque du climat, crée par Cédric Ringenbach.

Autour de cette fresque, et dans une dynamique collaborative mobilisant l’intelligence collective, les apprenants découvrent les éléments des rapports du GIEC (groupe intergouvernemental des experts du climat) synthétisant l’état des connaissances sur le changement climatique et le rôle de l’activité humaine. A l’issue de cette fresque, en partageant émotions et nouvel état de connaissance sur le sujet, les étudiants réinterrogent la définition du travail social et mettent ainsi en perspectives, l’enjeu pour le travail social et les travailleurs sociaux.

En se réappropriant la définition du travail social dans ce récit commun, les étudiants relient par leur réflexion croisée, la question environnementale à la question sociale en identifiant que, face aux incidences du dérèglement climatique, les premières victimes du changement climatique sont et seront celles des quartiers populaires où 40% d’entre elles vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Les personnes les plus fragiles seront les plus en difficultés pour accéder à leurs droits fondamentaux. Or, si le travail social se doit de viser l’amélioration des conditions de vie des personnes, ses conditions d’exercice sont donc d’autant plus mises à mal dans ce contexte de crise climatique.

Comprendre : enseigner le dérèglement climatique

Ce second temps consiste à apporter les éléments scientifiques soutenus par 30 ans de travaux sur ce sujet et mis en lien avec les thématiques de formation des travailleurs sociaux pour enrichir la conceptualisation dans la perspective de soutenir le passage à l’action.

Nous mobilisons l’écologie, en tant que science qui étudie les rapports entre les organismes et le milieu dans lequel ils vivent et les impacts des premiers sur les seconds. Elle n’est ni une opinion politique, ni une simple vision du monde Comme toute science, sa méthode est stricte, rigoureuse, protocolaire et ses résultats sont des faits établis autour desquels il existe un consensus.

L’approche pluridisciplinaire et systémique de l’écologie permet de comprendre les fondements et les enjeux des bouleversements et des effondrements en cours et à venir. Nous assumons en centre de formation les constats suivants : face à la multiplication des effondrements et à l’enchainement des boucles de rétroaction, l’emballement climatique est lancé. La machine ne pourra ralentir qu’aux prix d’efforts coûteux, consentis collectivement, et porteurs d’une profonde volonté d’un avenir commun résilient et supportable.

Il est donc crucial pour nous formateurs de prendre le temps avec les apprenants d’examiner les causes profondes et les conséquences visibles et prévisibles de la crise climatique sur la nature et l’Humanité. Ainsi au cours des modules Territoire et développement social, Lutte contre les Exclusions, Santé mentale, Immigration, Santé publique, notre intervenante écologue, Julie Beaucamp, réalise cet état des lieux et les enseignements sur ces thématiques.

La crise climatique redessine le rôle du travailleur social confronté quotidiennement aux publics les plus précaires. Le livre vert du HCTS , présenté à l’occasion de la journée mondiale du travail social en mars 2022, énonce en effet différents impacts sociaux du réchauffement climatique. Ceux-ci portent sur la santé physique et psychique des populations, sur l’intensification de la pauvreté et de la précarité, et sur la mise à mal de la cohésion sociale.



Agir : engager le travailleur social dans la transition sociale et écologique

Dès lors, à la lumière de ces constats éclairés, nous posons la transition écologique et sociale comme objet de formation. Cette démarche, qui vise une transformation de la société par l’articulation des enjeux sociaux (lien social, lutte contre la précarité, etc.), écologique (changement climatique, biodiversité, etc.) et démocratique (en créant les conditions de la véritable participation), ouvre pour le travail social des marges d’actions pour créer dans un contexte contraint, des modèles résilients qui dédramatisent les solutions possibles.

Dans cette perspective, la transition écologique telle qu’impulsée par Rob Hopkins , pose l’enjeu pour les territoires et ses habitants d‘un projet global social, écologique et démocratique, dans lequel le travail social prend évidemment sa place, car animé par ces mêmes valeurs d’émancipation et de lutte contre les exclusions.

Le pouvoir d’agir, au cœur de l’enjeu transition écologique, nous a amené à coconstruire avec un groupe d’apprenants sensibilisés une capsule de formation à distance. Celle-ci décline, à l’appui d’un travail de recherche des apprenants, notre posture fondatrice : l’urgence climatique concerne l’ensemble des femmes et des hommes, chacun d’entre nous, dès lors nous pouvons tous agir. Il importe de ne plus opposer questions sociales et questions écologiques. Nous proposons alors d’habiter autrement nos territoires et de reconsidérer la place de l’humain comme centrale au sein de notre société et de nos récits.

Les méthodologies d’intervention, telles qu’attendues dans les référentiels de formation, et qui visent à outiller les futurs travailleurs sociaux, permettent de contribuer, voire d’impulser ces dynamiques territoriales. On peut ici faire référence à la méthodologie de diagnostic social territorial, à la méthodologie de projet, au travail en réseau et en partenariat et plus particulièrement encore au développement social local. Ces compétences développées tout au long des parcours de formation placent alors le travailleur social dans une compétence à agir localement.



Nous nous appuyons également sur l’alternance, fondement de nos formations, pour permettre aux apprenants à se confronter à des expériences de terrains qui initient avec les habitants des démarches de transition écologique. Elles sont portées par les acteurs des centres sociaux, de la prévention spécialisée, de la lutte contre l’exclusion, de l’insertion et de l’économie sociale et solidaire. Pour la plupart, leur objet est de promouvoir des façons plus justes de se nourrir, de consommer, de s’entraider et de travailler pour relever localement le défi de la transition sociale et écologique.

Nous avons pu ainsi travailler avec un foyer d’hébergement qui développe une activité de fabrication de meubles avec du bois de récupération, un club de prévention spécialisé qui, avec les jeunes du quartier, revalorise une ancienne friche industrielle autour de la construction d’une kerterre, une association de lutte contre l’exclusion qui développe une activité de ressourcerie. Des étudiants en formation d’ASS vont également en stage dans une association qui promeut un accès pour tous à une alimentation digne et durable, en alternative au modèle de l’aide alimentaire.

Toujours sous la forme d’un stage, des étudiants ASS et ES mènent des travaux de diagnostic social territorial pour des centres sociaux qui souhaitent initier des démarches de transition écologique et sociale.

Immergés dans ces initiatives, les apprenants sont invités à réfléchir aux questionnements suivants :

• Quelles sont les dynamiques à l’œuvre dans ces différentes actions ? (Démarche de projet, d’action collective, quels leviers ?)

• Comment participent et s’engagent les personnes concernées ?

• En quoi ces actions donnent sens aux missions du travailleur social ?

• Quels sont les enjeux sociaux de ces expériences et initiatives ?

Ces initiatives permettent aux apprenants de prendre conscience dans un premier temps que oui, le travailleur social s’est déjà emparé de ces questions et a vocation à agir sur celle-ci.

Par celles-ci, ils reconsidèrent l’importance de l’échelle d’action locale à partir de laquelle les citoyens inventent des solutions adaptées à leur quotidien et passent concrètement à l’action.

Ils prennent la mesure que toutes les démarches qu’ils découvrent s’appuient sur des méthodologies d’intervention propres à leur métier respectif autour, notamment, des approches collectives.

Ces pratiques que les apprenants eux-mêmes qualifient d’inspirantes à leur retour de leur immersion ou de stage les amènent à envisager le travail en dehors des logiques assistancielles.

Pour conclure

L’appréhension de la transition écologique et sociale est un enjeu fondamental : la formation est en effet un levier de prise de conscience, d’apprentissage et de concrétisation permettant à chacun de sauter le pas. Cela l’est d’autant plus pour le travailleur social car il est présent et œuvre quotidiennement auprès des publics qui sont et seront les plus impactés et qui restent à ce jour les moins écoutés sur ce sujet.

Et au-delà de cette appréhension par le travail social, dans un contexte de crise écologique, nous savons les risques de tensions et de dérives autoritaires. Le principe démocratique est de nouveau interrogé et mis à mal. La formation en travail social se doit d’être à l’avant-garde de ces risques en garantissant le droit au débat et en soutenant la prise d’initiatives de collectifs d’apprenants.

C’est l’essence même de la participation et ce qui la conditionne comme moteur des conduites de changement à mettre en œuvre.



Les autrices :

Julie Beaucamp : Ingénieure chargée d’études en écologie et droit, SETEC ENERGIE ENVIRONNEMENT

Cécile Druant : Cadre pédagogique, IRTS Hauts de France- Site Métropole Lilloise

Donatienne Galliot : Cadre pédagogique, IRTS Hauts de France- Site Métropole Lilloise



Bibliographie :

Bourg, D. Kaufmann, A. Meda, D (2016) L’âge de la transition, En route pour la reconversion écologique, Les petits matins

Deldevre, V. La fabrique des inégalités environnementales en France. Approches sociologiques qualitatives, Revue de l’OFCE, 165,2020/1

Dion, C. (2021), Petit manuel de résistance contemporaine, Actes sud

Laurent, E Ecologie et inégalités, dans revue de l’OFCE 2009/2 (n° 109), 2008

HCTS, Livre vert du travail social (2022)

Hopkins, R. (2010), Manuel de transition, Edition Eco société

Morin, E. (2020), L’entrée dans l’ère écologique, Edition de l’Aube, Mikros Classique

Servigne, P. (2018), Une autre fin du monde est possible, Edition du Seuil, Collection Anthropocène


Résumé en Anglais


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