Fiche Documentaire n° 603

Titre Le tuteur énergie: nouvelle figure sociale dédiée à l'accompagnement énergétique des usagers au sein des centres publics d'action sociale (CPAS) en Belgique.

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Auteur(s) PEIGNEUR Yves
ORENS Caroline
DINSART Nathalie
 
     
Thème Regards croisés de trois intervenants sociaux dits "tuteurs énergie" au sein de trois CPAS  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Le tuteur énergie: nouvelle figure sociale dédiée à l'accompagnement énergétique des usagers au sein des centres publics d'action sociale (CPAS) en Belgique.

En Belgique, le centre public d’action sociale (CPAS) est une institution publique créée en 1976, organisée au niveau local. Le CPAS assure aux personnes, dans les conditions déterminées par la loi, l’aide sociale due par la collectivité. Cette aide sociale est un système de protection pour les personnes qui n’ont plus les moyens suffisants pour mener une vie digne. Celle-ci est la première mission du CPAS, elle comprend pour toute personne dans le besoin le droit de se nourrir, se vêtir, se loger, se chauffer, assurer son hygiène et avoir accès aux soins de santé. Les aides sociales fournies par le CPAS peuvent prendre plusieurs formes en fonction des besoins des personnes : telle une aide financière (revenu d'intégration ou aide sociale équivalente), une aide psycho-sociale, une aide à la réinsertion socioprofessionnelle, une aide médicale ou une aide énergétique.
Le contexte que nous présentons s’organise dans le cadre des mesures régionales relatives à l'augmentation du pouvoir d'achat des citoyens précédant les crises économiques de 2008-2009. A la fin de l’été 2008, le Gouvernement wallon décide de soutenir les actions préventives et curatives menées par les CPAS en matière d'énergie. La gouvernance dite régionale demande aux CPAS, un accompagnement individuel efficace des personnes dans la recherche et la mise en œuvre de solutions concrètes pour améliorer l'état de leur logement et la gestion de leurs énergies. Ainsi un nouveau dispositif est né qui permet aux CPAS de créer une nouvelle figure d’intervenant social nommé "tuteur énergie", en prolongation des actions de prévention énergétiques mise en place depuis 2004 au sein des CPAS wallons. Ceux-ci se voient attribuer un autre panel d’usagers précarisés, victimes collatérales des nombreuses crises économiques, sociales, politiques et écologiques des années 2000.
Le propos de cette communication groupée portera sur les interventions de trois tuteurs en énergie, ayant des postures et des compétences différentes, auprès d’un public précarisé dans le cadre d’un CPAS (urbain, semi-rural et rural). Le but est d’accompagner tout citoyen dans le besoin pour identifier avec lui les mesures possibles pour diminuer sa consommation d’énergie et si possible créer un impact sur le développement durable.
La motivation de répondre à cet appel à communication est de pouvoir illustrer en tant que travailleur social de terrain au sein d’un CPAS, la complexité d’être au cœur des politiques sociales et de mener un réel travail de conscientisation et de participation autour du développement durable. Le premier profil de tuteur énergie présentera la pratique d’un intervenant social, chef du service énergie d’une grande ville. Il développera l’intérêt d’initier un tel service en gestion des énergies au sein d’une population précarisée et il développera son propos sur un métier à inventer avec en corollaire une méthodologie adaptée au contexte du développement durable local. Le second profil de tuteur énergie proposera un profil atypique, entre un bac en Gestion de l’environnement Urbain et une formation à l’assainissement des sols. Quel type d’accompagnement social spécifique impliquant une démarche énergétique en place avec les personnes précarisées, au cas par cas ? Le troisième profil de tuteur énergie propose, parmi d’autres, une expérience de travail social communautaire où il se développe un réel pouvoir d’agir des individus et des collectivités autour d’une dignité humaine empreinte d’écologie au sens le plus large.
Cette communication sera complémentaire à celle de Valérie Desomer, conseillé à la Fédération des CPAS, qui développera une autre communication sur le dispositif légal des tuteurs en énergie et ses conséquences pour les CPAS wallons.

Bibliographie

- Loi organique des CPAS du 8 juillet 1976 et du 26 mai 2002 ;
- Arrêté du 20 mars 2009 du Gouvernement wallon allouant une subvention aux CPAS pour financer les activités de « Tuteur Energie » ;
- Arrêté Royal du 9 mars 2006 portant exécution du Chapitre VIII de la loi-programme du 27 décembre 2005, relatif à la constitution du Fonds de réduction du coût global de l’énergie ;
- BEGUIN J-M, BOULANGER M-P, LUSSIS B, L’Apport des sciences sociales à l’utilisation rationnelle de l’énergie par les ménages, IDD, le 13 août 2003 ;
- Robert-Demontrond P., Développement soutenable et privatisation des droits sociaux fondamentaux, Revue management et avenir 2004/1, N°1, p.97-115 ;
- OCDE, Développement durable : Quelles politiques ?, Chap. 1, Principaux enjeux et réactions des pouvoirs publics, Paris, 2001 ;
- Loi du 04 septembre 2002 visant à confier aux CPAS la mission de guidance financière dans le cadre de la fourniture d’énergie aux personnes les plus démunies, M.B. 28.09.2006 ;
- Arrêté du Gouvernement Wallon du 23 décembre 1998 relatif à l’octroi de subventions aux ménages à revenu modeste pour l’utilisation rationnelle et efficiente de l’énergie ;
- Plan Marshall 2.Vert, mesures « augmentation du pouvoir d’achat des citoyens » ;
- Décision du Gouvernement Wallon du 28 août 2008 dans le cadre de soutenir les actions préventives et curatives menées par les CPAS en matière d’énergie ;
- DRIESSENS. K., VAN REGENMORTEL. T., Force du lien, Editions LannooCampus, 2006, 364p. ;
- ZACCAI E., Energie-égalité : un couple problématique, dans Politique, N°53, Les nouveaux défis énergétiques, Bruxelles, 2008.
- WALLENBORN. G., De l’environnement au social : jalons pour ne culture de l’énergie, revue Etopia N°2, Namur, 2008 ;
- ARIES. P., Désobéir et grandir - Vers une société de décroissance, Ed. Ecosociete, 2009
- ARNSPERGER. Ch., Éthique de l'existence post-capitaliste: Pour un militantisme existentiel, Paris, Éditions du Cerf (2009), coll. « La nuit surveillée ».

Présentation des auteurs


Non disponible

Communication complète

Communication AIFRIS

Yves PEIGNEUR - CPAS de Charleroi

L'énergie, une question incontournable(1)

Les questions énergétiques ont récemment acquis le statut de préoccupation majeure. Cet
intérêt nouveau pour l'énergie découle d'une prise de conscience relative à 2 constats :

• la finitude des stocks d'énergie fossiles,
• l’impact de la combustion des stocks fossilessur le réchauffement climatique.

Ces problématiques appellent une réponse globale. Celle-ci doit permettre aux sociétés de maintenir un développement économique et social tout en ne pénalisant pas certaines catégories de la population, singulièrement le public cible.

Les CPAS en première ligne

L'augmentation du coût de l'énergie, aussi bien que les conséquences de la libéralisation des marchés de l'énergie, draine une population croissante vers le CPAS dont la demande porte sur une aide financière, matérielle ou tout simplement administrative (dans un marché libéralisé plus
complexe). Les CPAS se trouvent donc, de facto, en première ligne face à une problématique énergétique de plus en plus criante.

A l'heure actuelle, la plupart des CPAS pallient à l'urgence sur le mode curatif, par la prise en charge de la dette (apurement de la facture ou d’une dette accumulée). Sur le long terme, une politique préventive permettant de réduire structurellement les consommations (et le coût de celles-ci) est également envisageable en compléments des actions curatives, et bon nombre de CPAS ne s'y sont pas trompés. Cette politique préventive fait précisément l'objet de notre étude.
Les pratiques des CPAS du pays, toutes Régions confondues, ont été étudiées pour mettre en évidence la diversité et le bien fondé de ce qui se réalise.
Les ménages précarisés dépensent, pour leurs factures énergétiques, une part relative plus importante de leurs revenus que les ménages à revenus moyens ou supérieurs. En effet, selon les statistiques du SPF Economie, les ménages sous le seuil de pauvreté attribuent 7,4% de leur budget à
l’énergie (1.475€ sur un budget annuel de 20.000€) contre 5,4% pour les ménages vivant au dessus du seuil de pauvreté (1.820€ sur un budget annuel de 33.700€).
La facture énergétique d’un ménage vivant au dessus du seuil de pauvreté n’est que légèrement plus élevée que celle d’un ménage précarisé. Cela peut paraître surprenant. On aurait tendance à penser que leur facture énergétique est significativement plus faible qu’un ménage aux revenus moyens. Mais cela ne se traduit pas dans les faits…
Pourquoi ? Deux raisons majeures peuvent être mises en évidence : le logement lui-même et l’occupation du ménage.
Les ménages précarisés vivent généralement dans des logements relativement anciens, petits, mal isolés et peu étanches à l’air extérieur : châssis en mauvais état, fenêtre brisée, bas de la porte, maçonneries disjointes, etc. Ces apports d’air sont source d’une consommation accrue d’énergie
(principalement en hiver) et d’inconfort. De plus, on rencontre souvent des problèmes d’humidité et de moisissures qui altèrent aussi le confort et la santé des occupants. La qualité du logement pousse donc à consommer davantage malgré une superficie habitable souvent plus faible que les ménages à revenus moyens.

De plus, le temps d’occupation des logements précaires est généralement plus élevé que dans un logement moyen. De nombreuses personnes victimes de la précarité énergétique sont des personnes exclues du marché du travail ou des travailleurs à temps partiel. Dans de telles conditions, ces
personnes peuvent rester chez elles durant une grande partie de la journée. Cette situation alourdit généralement les dépenses énergétiques puisque la consommation est directement liée au temps d’occupation du logement.

Lien avec l’intervention sociale – Organigramme du CPAS de Charleroi.
Pour rappel, le changement de dénomination de l’institution, « aide » devenant « action », ne suffit pas à modifier une image toujours assimilée essentiellement à l’aide aux plus démunis. Hors, les missions d’action sociale s’adressent bien à tous les habitants de la zone géographique couverte, ce qui se traduit également par un éclatement des missions traditionnellement dévolues aux CPAS.
C’est ainsi que Le CPAS, en sus de l'aide sociale (antennes sociales, urgence sociale, médiation de dettes, logement, énergie, etc.) propose également divers services d'aides et soins à domicile (aides familiales, repas à domicile, infirmières, services, etc.), des services de santé mentale (enfants, adultes, assuétudes, etc.).Il gère également 9 maisons de repos établies sur le territoire de Charleroi, ainsi que des centres de court séjour/d'accueil de jour, des résidences services... , et des espaces dédiés aux citoyens …(2)
Les dispositifs d’économie sociale et de remise à l’emploi drainent également un grand nombre de personnes.
Dans une institution qui emploie près de 2400 personnes, le département de l’action sociale fonctionne avec 300 travailleurs sociaux et administratifs répartis entre un siège central, 15 antennes sociales et divers services décentralisés .(3)

La Cellule Energie : Une composante à part entière du Service Social
La cellule Energie fait partie intégrante du Service Social (4). Celui-ci est composé d’une série de départements dirigés chacun par des chefs de services (dénommés Managers sociaux dans le cas des antennes sociales).
Les Tuteurs Energie sont regroupés au sein d’une cellule Energie composée également du service Fonds Social Mazout, de Charleroi EcoEnergie, d’un agent chargé de la sensibilisation URE des travailleurs sociaux et des usagers. L’ensemble, complété par un dispositif chargé de mener à bien le cadastre énergétique des bâtiments du CPAS, porte le nom de Pôle Energie
- Les tuteurs énergie faisant par ailleurs l’objet de la note, je renvoie au descriptif de missions.
- Le service Fonds Social Mazout est une cellule centralisée composée d’agents administratifs et de travailleurs sociaux, chargée d’enregistrer et de filtrer des demandes d’aides relatives aux factures et à la fourniture de combustibles autres que le gaz et l’électricité, et d’y apporter une réponse curative.
- Charleroi écoEnergie est un dispositif chargé d’octroyer des prêts à taux 0% pour des investissements économiseurs d’énergie dans le bâtiment résidentiel, sous l’égide d’un Fonds fédéral qui a pour mission de valider les économies de CO2 générées grâce à l’amélioration de la performance énergétique du bâti. Bien que s’adressant à l’ensemble de la population, sur une zone géographique délimitée par les frontières de l’entité urbaine, ce mécanisme de prêt intègre une disposition fondamentale qui réserve un minimum de 20% de son portefeuille au public-cible (5) , dans le cadre d’un accompagnement de type ESCO(6) . Le service traite près de 200 dossiers de prêt annuellement.
- Prévention/sensibilisation URE : Il s’agit de la mise en œuvre d’un PAP(7) soutenu par un subside régional, plan étalé sur 2 ans, qui privilégie des actions individuelles (Tuteurs Energie) et collectives (sensibilisation des ST et des usagers à la problématique énergétique). Un agent dédié à la partie collective de cette mission, a pu être engagé grâce à des fonds fédéraux.
Un processus de centralisation pour la gestion des matières relatives à l’énergie : la Maison de l’Energie.
Le service FSM, préexistant aux 3 autres, est la résultante de la centralisation d’activités initialement dévolues aux 15 antennes sociales actives dans l’entité. Il s’agit de la première étape d’un recentrage visant à libérer les TS d’antennes d’une série de tâches spécifiques liées à la problématique énergétique, considérées comme trop techniques et/ou trop lourdes à gérer par le travailleur social d’antenne. (8)
Tuteurs Energie, Charleroi écoEnergie, et, dans une moindre mesure, le dispositif PAP(9) , sont des dispositifs complémentaires qui ont vu le jour en 2009. L’objectif déclaré est de pouvoir intégrer ceux-ci, avec la cellule FSM, et la gestion des dossiers d’aide financière en matière de gaz et d’électricité, dans une Maison de l’Energie ouverte à l’ensemble des citoyens en recherche de solutions globales relatives à la problématique énergétique. Ce lieu clairement identifié en tant que « guichet unique » devrait être en mesure d’assurer des actions curatives au bénéfice des usagers faibles, mais également, à l’adresse de l’ensemble de la population, d’initier des démarches préventives, de la sensibilisation à l’URE en lien avec la problématique climatique, en associant tous les opérateurs privés et publics concernés (fédéral, Région wallonne, opérateurs de formation et de sensibilisation, Ville, secteur de la formation professionnelle aux techniques d’isolation,…), et pourrait rassembler et traiter un ensemble de données susceptibles d’alimenter un observatoire de la précarité énergétique.
Le Tuteur Energie : un nouveau métier dans le champ du social
La cellule FSM intègre en son sein des travailleurs sociaux aguerris à l’enquête sociale et à la Visite à domicile, préalables à l’élaboration du dossier de demande d’aide financière pour l’achat de combustible.
La centralisation actuelle, encore provisoire sur la plan du rassemblement des services concernés, rend les tuteurs énergie orphelins de TS confirmés, et ce même si un des trois tuteurs présente un profil plus social que technique (master en sciences familiales et sexologie).
Cet isolement relatif, et le profil majoritairement technique des Tuteurs n’est pas sans susciter des difficultés, à la fois dans la connaissance et la compréhension des tâches techniques des uns et sociales des autres, dans un malentendu d’autant plus entretenu que les uns et les autres assument des visites à domicile, mais dans une optique évidemment différente.
• Travail de terrain de 1ère ligne versus 2ème ligne
Le tuteur Energie réalise un audit technique du bâtiment et du comportement. Dans son rapport, il signale les points faibles du logement, en matière énergétique et de salubrité, et indique des conseils comportementaux qui permettraient de réduire les consommations énergétiques. Ce rapport est transmis et détaillé au bénéficiaire lors d’une 2ème visite à domicile. Le TS dispose d’une copie de ce rapport.
On est clairement dans le cadre d’un travail de seconde ligne, car le tuteur est sollicité par le travailleur social.
• Le Tuteur n’est pas l’assistant social
Le Tuteur n’est pas celui qui traite directement la demande d’aide financière, et n’est pas perçu comme tel. Cette distance par rapport au cadre critique de la décision d’aide financière permet au Tuteur de fonctionner sur le mode du conseil, plutôt que celui du contrôle, quel qu’il soit. Cet aspect est régulièrement rappelé, dans la mesure où un refus d’aide ne peut être directement motivé par le contenu d’un rapport d’audit du tuteur. En effet, les raisons principales qui entraînent l’appel à Tuteur sont principalement :
- la vérification de la validité d’une facture énergétique en lien avec la consommation réelle : le CPAS intervient pour une dette réellement due.
- la détection de surconsommations importantes en fonction du type de bâti et de la composition du ménage : le Tuteur diagnostique et propose des solutions structurelles et comportementales non contraignantes, quand elles existent.
Cependant, le Tuteur doit toujours garder à l’esprit que l’expérience du TS, sa connaissance du dossier de l’usager, de son histoire, du contexte social et culturel, sont des éléments à ne pas négliger, qui peuvent apporter des éclaircissements dans des situations qui peuvent sembler complexes à analyser.
• Audit énergétique, vulgarisation et communication
La distance entre la technicité du rapport d’audit et sa compréhension par le TS a très vite posé question. L’ouvrage est constamment remis sur le métier afin de dégager les points forts du rapport dans un langage clair et concis. Cependant, la communication interservices reste fondamentale pour s’assurer du bon décodage de l’information.
De même, le respect de la procédure de recours au tuteur, notamment par l’utilisation d’une fiche signalétique d’ordre administratif et technique, a connu des ratés dans un premier temps. Cette attitude a pu être ressentie par les Tuteurs comme un manque de considération de la part des TS, alors que rien ne prouve qu’il en soit ainsi
• Notion de temps administratif : l’assistant social n’est pas le tuteur
Certaines missions des tuteurs consistent à réagir à la menace de pose d’un compteur à budget électricité et/ou gaz, dans le cadre de défaut de paiement au fournisseur. Les délais impartis supposent une réaction rapide dans l’analyse du réellement dû et la prise en charge de la facture impayée. Cette problématique, bien connue des Tuteurs, l’est généralement beaucoup moins des TS, qui sont d’ailleurs soumis à des procédures administratives préalables à la prise de décision de l’aide (30 jours de délai). De plus, certains travailleurs sociaux prennent parfois l’initiative de décider, erronément, que cette pose de CB est une bonne décision, alors que cette approche doit être concertée avec le Tuteur, personne ressource qui connaît le mieux cette problématique.
• L’audit énergétique, outil de détection de public-cible pour des investissements structurels financés par un prêt à taux 0%.
La cellule Charleroi EcoEnergie octroie des prêts de maximum 10.000 €, remboursables en 5 ans. Entre 40 et 50 dossiers sont réservés à des personnes dont le revenu ne dépasse pas 15.000€ par ménage et/ou des usagers ayant sollicité une aide financière dans le cadre de fourniture énergétique. Bien que le prêt soit accessible tant aux locataires qu’aux propriétaires, il est évident que, dans la pratique, les bénéficiaires cibles sont majoritairement des petits propriétaires occupants. Les Tuteurs sont formés pour détecter des cas potentiels à ce type d’investissement, et travaillent directement avec la cellule chargée de l’octroi des prêts. Ils sont également chargés de mener un suivi relatif à la « comptabilité énergétique » des bénéficiaires, puisque les économies potentielles attendues suite aux améliorations énergétiques doivent permettre de supporter partiellement la charge du prêt. Le tuteur indique également dans son rapport les types d’aide auxquelles le candidat investisseur pourrait prétendre, dans un système belge assez complexe, entre les différents dispositifs fédéraux et régionaux existants.
Quelques mesures pour faciliter l’intégration des Tuteurs au sein du Service Social
Le constat suivant relatif à la méconnaissance des missions des TS et, inversement, de celles des tuteurs, et de l’ensemble des nouveaux services de la Cellule Energie, en relation avec une vision floue des outils de travail et des missions des uns et des autres, nous a convaincu d’agir afin de favoriser la prise de greffe de cet étrange corps sociotechnique sur le champs du travail social. Il s’agit plus d’une démarche empirique, qui tient compte du cadre de travail d’une grosse institution, et des contraintes liées à son organisation.

• Information et sensibilisation – tour d’antennes
L’année 1, les 15 antennes sociales ont été visitées par les Tuteurs afin d’informer les TS des missions des Tuteurs et de leurs limites, des outils utilisés et des attentes des uns et des autres. L’occasion également de mettre des noms sur les visages. L’accent a été mis sur l’explication des objectifs globaux qui sous-tendent la création d’une cellule Energie, et l’articulation entre ses diverses composantes, avec la préoccupation de rencontrer un souhait général des TS d’être déchargés de tâches considérées comme sortant du cadre de l’intervention sociale (technicité et complexité administrative)
L’année 2, la mise en place du volet collectif du PAP a permis d’expérimenter un dispositif de sensibilisation à l’URE aussi bien au bénéfice d’usagers qu’à celui des TS. Un second tour d’antennes s’est donc focalisé sur des mises en situation concrètes avec l’aide des tuteurs. Une première séance rappelle les missions des Tuteurs Energie, décrit les notions de base relatives à l’URE, les « ficelles et trucs et astuces » permettant de poser de bons gestes URE dans son logement, et aborde les différents problèmes liés à la libéralisation du marché de l’énergie.
A la fin de cette séance, un participant, volontaire, est retenu pour assister à un audit du Tuteur Energie dans son propre logement.
Une deuxième séance reprend les résultats de l’audit qui sont rendus au groupe d’une manière ludique et participative, avec mise en commun des pratiques individuelles et synthèse collective qui fait plus largement référence à la problématique climatique.
Hormis l’objectif initial de sensibilisation à l’URE, il s’agit de montrer explicitement que fait le Tuteur en VAD, de familiariser le TS avec ses outils, et de poser les limites de l’audit. Le troisième objectif explicite, et non le moindre, est de mettre en place dans chaque antenne un « TS ressource, motivé et intéressé par la matière énergétique, susceptible d’aider un collègue à se positionner sur un dossier impliquant une analyse relative à l’énergie.
L’expérience est sur le point de se terminer et suppose une évaluation qui s’annonce prometteuse.
• Information et sensibilisation – Stage d’antennes
Pour répondre à des plaintes relatives au manque de suivi (et de considération !) des TS vis-à-vis des missions des tuteurs, plaintes souvent basées sur du ressenti plutôt que sur des faits concrets, nous avons proposé aux tuteurs de prester quelques jours dans des antennes sociales, en accompagnant les TS dans l’éventail de leurs missions. L’idée a été acceptée par les managers d’antennes, et chaque tuteur, ainsi que l’agent de sensibilisation du PAP, a effectué un stage de 3 jours. Les retours de stage ont été assez spectaculaires, dans la mesure où les tuteurs ont pu prendre la mesure de difficultés quotidiennes rencontrées par les TS, des problèmes de stress inhérents à l’exercice de leurs fonctions, de la dureté des rapports sociaux parfois. Les Tuteurs ont pris pleinement conscience de l’écart entre TS de 1ère et de seconde ligne, comprenant mieux comment étaient gérées les priorités en antennes sociales.
Un effet collatéral positif s’incarne dans l’appréciation positive formulée par les TS, qui voient dans cette démarche une marque de respect vis-à-vis de leur propre activité.
Le processus d’intégration du tuteur énergie, dans l’exemple repris ci-dessus d’un gros CPAS urbain, peut être affiné en termes de compétences à développer. Un premier travail d’évaluation mené par la Fédération des CPAS de l’UVCW(10) a permis de lister une série de compétences relatives à la concertation, les visites à domicile et les rapports de visite, des compétences sociales, mais également des capacités communicationnelles, le positionnement hiérarchique dans l’institution, la capacité à développer des collaborations et de faire appel au réseau. Avec, bien entendu, un bagage technique déterminat relatif au secteur de l’URE.
Cet aspect relatif aux compétences mérite sans aucun doute d’être approfondi, mais à travers la discussion relative aux profils de compétence, il semble d’ores et déjà que la primauté accordée technique doit être largement complétée par un bagage social solide.

Approche critique (travail de terrain – DD – pauvreté)
Le Comité économique et social européen sur « la précarité énergétique dans le contexte de la libéralisation et de la crise économique(11) » rappelle que la situation de pauvreté énergétique résulte de la combinaison de trois facteurs : faible niveau de revenus, qualité de construction insuffisante et prix de l’énergie élevés, et qu’elle touche surtout les groupes sociaux tels que les + de 65 ans, les familles monoparentales, les personnes bénéficiant d’allocations sociales. Le CESE insiste sur « la nécessité de reconnaître la garantie du service universel, le respect des contraintes de service public, la protection des couches sociales économiquement défavorisées, …en interdisant par exemple les coupures aux périodes critiques…. »
Bien que la Belgique fasse partie des quelques pays ayant mis en place de bonnes pratiques, les travailleur sociaux peuvent témoigner de l’ampleur des problèmes relatifs à la précarité énergétique.
Le Gouvernement régional wallon a mis en place depuis plusieurs années des structures(12) ayant pour missions d’aider les citoyens à améliorer l’efficacité énergétique dans le bâti résidentiel. Celles-ci, l’expérience nous le démontre, touchent principalement les classes de revenus moyens et supérieurs.
Les PAPE (Plan d’Action préventive en matière d’Energie), initiés en 2004 par le Ministre régional de l’Energie n’ont pas rencontré le succès escompté (13). Les travailleurs sociaux ont éprouvé nombre de difficultés à assumer des actions de sensibilisation en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie, missions nouvelles exigeant de nouvelles compétences, pour lesquelles ils ne se sentaient peu motivés, et encore moins préparés, sans compter la surcharge de travail qu’elles pouvaient occasionner.
Dès le début de 2009, les CPAS ont eu l’opportunité de déployer 50 tuteurs énergie sur le territoire de la Wallonie. Leur action s’adresse plus spécifiquement aux ménages à faible revenu en prodiguant des conseils en matière d’efficacité énergétique, à partir d’un audit gratuit effectué à domicile. Il s’agit bien d’un nouveau métier qui cherche à s’intégrer dans le corpus du travail social. La Fédération des CPAS à l’UVCW (10)a pris en charge la formation initiale et permanente des nouveaux tuteurs aux profils très diversifiés. Alors que les « profils techniques » semblent s’imposer pour répondre aux exigences de la fonction, une formation sociale solide ne doit pas être négligée, dans la mesure où le Tuteur s’adresse à des ménages précarisés et doit dialoguer constamment avec les travailleurs sociaux de terrain .(14)
En effet, les « gros CPAS urbains » mettent de plus en plus souvent en œuvre des dispositifs originaux d’action sociale qui doivent s’articuler avec l’aide sociale traditionnelle, tels que les Tuteurs Energie et l’aide aux investissements économiseurs d’énergie, mais on peut y rajouter les actions de quartiers et le travail de sensibilisation participative. Ces nouveaux types d’intervenants sociaux et techniques à la fois doivent trouver leur place en douceur et prouver que leur champ d’action est tout à fait complémentaire à celui du travailleur social de terrain.
Notre démarche, et notre interrogation, s’inscrivent complètement dans les axes privilégiés lors de ce congrès, à travers l’émergence de missions, de profils et de nouveaux métiers techniques dans le champ du social et, comme le souligne l’appel à communication initial, dans le cadre d’un élargissement et d’une spécialisation des métiers du social qui risquerait « de se limiter à atteindre des objectifs prescrits, en oblitérant la singularité, la fragilité et l’imprévisibilité des actions humaines » (15)

1 Evaluation des politiques préventives des CPAS en matière d’énergie ; SPP Intégration Sociale ; 2009
2 www.cpascharleroi.be
3 CPAS de Charleroi ; Note de Politique générale 2011
4 Organigramme du CPAS de Charleroi
5 Critères public-cible
6 ESCO : définition
8 PAPE : Plan d’Action préventive en matière d’énergie
9 Actuellement, les TS d’antennes traitent encore les demandes d’aide financière et autre relatives aux dettes de gaz et électricité, mais le transfert du traitement de ces matières à la cellule énergie est en bonne voie. Une distinction est cependant opérée entre ce type de demande provenant d’un usager « bien connu » du TS, car bénéficiant d’un suivi social régulier, et les recours ponctuels de personnes par ailleurs inconnues des antennes sociales, dont les demandes pourraient être efficacement traitées par une cellule énergie.

10 Préexistant, mais remodelé en 2009
11 Rapport d’évaluation sur la mission des Tuteurs Energie ; 2011 ; Union des Villes et des Communes asbl
12 Journal officiel de l’Union européenne – 11/02/2011
13 Les Guichets de l’Energie
14 Il s’agit d’actions visant à aider une population fragilisée à faire des économies d’énergie, sans diminuer le confort, et l’amener à maîtriser sa facture énergétique.
Ainsi, le cadre déontologique du travail social se doit d’être défini, quant il s’agit de se positionner sur la liberté de l’usager de refuser une VAD qu’il juge intrusive.
15 Appel à communication ; Congrès AIFRIS Genève ; 2011


Nathalie DINSART - CPAS de PROFONDEVILLE

Compte rendu d’une innovation concernant l’intervention sociale.
Notre administration (C.P.A.S.) (1) a mis sur pied une sorte de foire de la simplicité volontaire (2)
ACTION
Contexte local :
Tuteur d’énergie au CPAS de Profondeville depuis novembre 2008, préalablement engagée dans le cadre de l’insertion et de la guidance énergétique (un mi-temps chacun), il me fût aisé de collaborer dans cet espace, aux actions mises en place par ma collègue, coordinatrice socioculturelle :
Dès le printemps 2006, elle a crée un espace réservé à des conférences suivies d’un débat, ceci dans un cadre convivial qui permettait à toutes populations de s’y sentir à l’aise (trois thèmes sont prioritairement traités aux « goûters des consom’ACTEURS » : l’économie d’énergie, la santé et le consumérisme). Parallèlement, elle a instauré un groupe «Evasion » favorisant l’insertion sociale de personnes vivant dans la précarité (repas collectifs, sorties récréatives...). L’un et l’autre groupe, bien que défendant des objectifs différents et drainant originairement une population diversifiée, ont attiré quelques personnes en commun, notamment lors d’une sortie d’un jour pour visiter Beckerich (ville luxembourgeoise énergétiquement exemplaire sur la sphère européenne). Il y a deux ans, un potager voyait le jour, commençant modestement son rôle de pourvoyeur en légumes, de sensibilisateur à une alimentation saine tout en étant motif à l’insertion sociale et professionnelle (contrat de travail dans le cadre de l’article 60 §7 de la loi organique des C.P.A.S. et collaboration régulière de bénévoles).
Historique de l’action :
Fin 2009, l’une et l’autre posions notre candidature dans le cadre de l’année européenne de lutte contre la pauvreté et la précarité (3) à deux actions que nous avons conjointement décidé de mener le même week-end afin de les transformer en un évènement plus costaud, ma collègue l’action « bien dans son assiette ».
L’autre volet « spectacle itinérant » développé par mes soins, originairement une pièce de théâtre sur l’Utilisation Rationnelle de l’Energie a pris une certaine ampleur.
1. Théâtre itinérant
Festival des Consom'ACTEURS 16 et 17 oct 2010 :
1. Spectacle théâtral "pour vivre heureux, vivons cachés!" réalisée et jouée par 7 dames aidées par notre administration sur une consommation ancestrale et une symbiose retrouvée avec la nature, = réflexion, insertion sociale et dynamique de groupe (3 représentations ultérieures ont été données lors d’autres manifestations sociales extra-communales – nouveau projet de spectacle en septembre2011)
2. Sands "récup' créative" = promotion du recyclage (meubles en carton - en bois recyclé, atelier recycle ton pull,...
3. Stands "consommons malin" = réflexion sur notre mode de consommation, ses excès, sa nocivité sociale et environnementale, la place de la solidarité dans une consommation responsable ;
4. QUIZZ énergie = provoquer des d’attitudes d’utilisation rationnelle de l’énergie ;
5. Concert festif avec des instruments recyclés = promotion de l’art sans moyens ;
6. Défilé de vêtements recyclés = promotion et valorisation du seconde main.
Opération « bien dans son assiette »
Festival des Consom'ACTEURS 16 et 17 oct 2010 :
1."Bien dans son assiette!" menu 3 services au prix de revient = promouvoir l’accessibilité à une alimentation saine, savoureuse, bon marchéet locale en collaboration avec un traiteur et des citoyens de la Commune, (150 repas) ;
2. Action V.I.P. pour les personnes aidées = mixité sociale et valorisation ;
3. Apéro et mises en bouche réalisés par 6 usagers du CPAS ayant suivi un stage dans un resto doublement étoilé de la rue = mixité sociale et accessibilité de tous à la gastronomie ;
4.QUIZZ alimentation = susciter la réflexion sur une alimentation saine ;
5. Film-débat sur la qualité de notre alimentation (Coline Serreau « solutions locales pour désordre global ») = sensibilisation à une alimentation saine et respectueuse de l’environnement et de l’humain.
Evaluation :
Groupe cible : Vingt-trois personnes en contact direct avec un C.P.A.S ont participé à un des sept ateliers de préparation et/ou à l’évènement proprement dit. Une quinzaine d’enseignants, cinq collègues et une dizaine de parfaits inconnus (exposants, experts, musiciens…). Ce développement permet de rendre compte de la proportion de personnes aidées volontairement actives.
1/5 des personnes recevant une forme d’aide par le C.P.A.S ont collaboré au projet.
2/5 des bénévoles sont ces mêmes personnes !
Conclusion :
A l’issue de cet évènement, on pouvait faire le constat suivant : il a été aisé de rameuter de nombreuses collaborations préalables tout autant que pendant le week-end. (engagement d’associations, d’écoles, de restaurants, de collègues, de personnes bénéficiant ou ayant bénéficié d’une forme d’aide sociale, de parfaits quidams … sur base d’un ralliement à cette nouvelle « philosophie ».
Au regard de cette expérience, donner un écho environnemental à la tâche du tuteur d’énergie, le placer directement au sein de modules d’insertion (prétexte énergie à la réalisation d’un atelier) apparaissent comme étant parfaitement justifiés, voire même porteurs de résultats surprenants.

OBJECTIFS
L'idée maîtresse de ce week-end itinérant autour de stands et de la programmation est la promotion d’une alimentation saine et d'une vie plus économe, plus créative, plus valorisante et ne stigmatisant surtout pas une couche de la population (richesse de la pauvreté et non action caritative).
1. Entre intellectuel (film-débat), symbolique (recyclage : concert d’objets hétéroclites, défilé à partir de vêtements de seconde-main, et pragmatique (ateliers, stands d’info…), l’objectif était d’apporter la vision la plus large sur une consommation réfléchie.
2. Un deuxième objectif était d’attirer une population diversifiée :
- Mixité sociale du public:
repas gastronomique à prix coûtant et action repas V.I.P. - théâtre populaire
- Mixité sociale des participants : chômeurs, enseignants, parents, politiciens locaux et régionaux, personnes recevant le R.I.S., sous statut d’artiste…
3. Nous escomptions également utiliser les ressources artistiques et logistiques disponibles parmi les personnes aidées. Nous avons fait appel au service social afin de disposer des coordonnées :
- de personnes dont les compétences pourraient nous être utiles : Deux infographistes se sont prêtées à un « concours de logo » en vue de réaliser le prospectus et l’affiche. Un défraiement bénévole à permis que soient reconnues leurs compétences professionnelles.
- de personnes à qui l’insertion sociale serait profitable - Le spectacle de théâtre est une création collective partie des stratagèmes économiques mis en places par les participantes (potager, colis, potions…). Les thèmes majeurs en étaient l’Utilisation Rationnelle de l’Enérgie et la symbiose avec la nature. L’effet dynamique de groupe a parfaitement donné (ambiance et encouragement en cas de défaillance d’un membre de la troupe). Dans le scenario, quand la jeune actrice propose de rendre publique leurs actions, les vieilles dames se rebiffent sous prétexte de ne pas en être capables et de ne pas être prises au sérieux. « Pour vivre heureux, vivons cachés ! », le titre du spectacle à lui seul rend compte du cloisonnement social et de la difficulté à s’émanciper. Elles parlent dans un langage simple de la faillite sociale du consumérisme. Monter sur l’estrade, parler en public, trouver et dire leur vérité… Se rendant compte qu’elles expriment leur pensée sur une société différente, elles prennent aussi conscience qu’elles sortent d’une vocation immémoriale au silence.
4. Le prétexte d’un défilé de vêtements recyclés, au delà de l’ambition créative évidente, est un appel à considérer le vêtement de seconde-main non plus comme une honte mais comme un choix socialement approuvé et valorisé.
Le message passé auprès de tous et vérifié dans les faits lors de ce WE : l'augmentation du coût de la vie si elle est un phénomène bien réel, peut-être entrevue comme une occasion de ses serrer les coudes (solidarité), de déployer toute sa créativité artistique (image et estime de soi) et limiter son insertion dans l’économie marchande (dignité : récupération de son identité) tout en réduisant son empreinte écologique (transposition dans un concept, – valeur extérieure (+ sensibilisation accessible à toutes les tranches de la population).
La réalisation de cet évènement n’offre un résultat qu’ébauché bien que prometteur.
Nous avons, comme les participants l’attendaient, comme nous le désirions, donné une suite tangible à l’action. Ex : un service d’échange local (SEL) et un atelier couture par une bénévole bénéficiant de l’aide sociale (récup’ créative) ont été mis en place en septembre 2011. Quelques-uns continuent leur volontariat dans le cadre existant de l’administration. Seule, l’inadéquation des missions des assistants sociaux du C.P.A.S. dessert l’extension du projet. L’utilité de pareille action y est reconnue mais les investissements professionnel et financier liés à un travail de fond ne sont pas à l’ordre du jour dans une société de vision à court terme.

ANALYSE
Banalement transmise en ce slogan : « bon pour le portefeuille, bon pour la planète, je participe », cette philosophie simpliste n’est pas sans rappeler l’appel à publication du présent congrès : attractivité économique, préservation des ressources et justice sociale » de l’axe 1. L’action est dans la pure mouvance du développement durable et de l’écologie au sens large (écologie humaine).
Approches individuelle et collective :
L’analyse a posteriori de la portée de ce type d’action à la lumière de « force du lien contre la pauvreté »(4) met en exergue l’insertion sociale des bénévoles à cette occasion.
La pauvreté dans son acception « privation de pouvoir et de contrôle »(6) peut-elle être combattue par une démarche mettant en valeur des comportements dits simples ?
Cette formule permet en effet la reconnaissance de la citoyenneté des plus pauvres par un jeu de confusion volontaire entre un nouveau concept et un mode de vie fait d’expédients nécessaires (débrouillardise et créativité de tous les instants).
Cette expérience élaborée par deux personnes a nécessité toutes les collaborations disponibles autour du C.P.A.S. Les ateliers n’avaient pas pour mission immédiate une visée sur la personne. Nous faisions, en effet, appel aux personnes aidées pour leur savoir-faire, comme bénévole pour nous aider. Chaque participant s’est impliqué au delà de l’atelier initial. Une dame, très fragile psychologiquement s’est hissée responsable de la décoration du réfectoire métamorphosé pour l’occasion. (responsabilisation et reconnaissance)
En se basant sur le développement du pouvoir d’agir (DPA) de Yann Le Bossé (5), on constate que ce type d’intervention présente les avantages de démarches psychosociales, prônant l’adaptation, et favorisant le changement.
Cette approche par la simplicité volontaire pour tous ouvre des portes. L’implication de la personne concernée peut être importante. On ne lui demande pas de rentrer dans un carcan préétabli, du politiquement correct, on bouscule des poncifs. Valoriser ce qu’il vit assurément et dont il connaît jusqu’alors une grande honte renforce son sentiment de compétence personnelle, son point de vue critique et sa prise de conscience (dissonance et recadrage cognitif : Je me suis toujours vu comme un incapable, or la société ne me donne pas de place et je viens de prouver que j’avais des ressources) (5)
L’analyse a posteriori, je le répète, permet le constat de l’efficacité sociale d’un mode d’entrée en relation davantage égalitaire. Le Développement du pouvoir d’agir est individuel (valorisation par le travail bénévole), il se retrouve dans l’action elle-même (réflexion critique) et dans l’entraide (enabling niches).
Les répercutions collectives de pareil évènement ne sont pas négligeables sur la petite communauté locale. Réflexions et échanges du public, sensibilisation du politique conséquents à l’action et surtout réseaux d’échange entre des personnes qui ne se côtoyaient pas.
L’action sociale est souvent liée aux normes et aux valeurs de la classe dominante. Or l’expérience menée ici n’est vraisemblablement pas portée par cette classe dominante à moins qu’elle ne le soit dans une logique machiavélique.
Approche macro-sociale :
Dans une optique sociale « de la société du « beaucoup avoir » pour quelques-uns à une société de bien-être durable pour tous »(7), cette approche par la simplicité volontaire est appropriée. Seulement le fait est tout à fait marginal à l’heure actuelle. Quelles en sont dès lors les conséquences sur le système social ?
A quoi sert-il que certains se limitent si d’autres, majoritaires, gaspillent à tort et à travers ? La décroissance est-elle un jeu de dupe ? Ou le choix de la décroissance est-il à prendre individuellement comme expérience de revalorisation par une maîtrise sur sa vie ? Son utilité sociale découlerait-elle de sa seule valeur exemplative ?
La dimension macro-sociale ne pourrait-elle pas être liée à la façon dont les personnes impliquées dans la démarche se perçoivent ? Paul ARIES entrevoir la décroissance comme moyen de lutte contre la pauvreté (8), elle entraine la diminution de son empreinte écologique pour le moins. La réflexion sur une simplicité recherchée permet en tout cas d’opérer un choix, d’être actif et non plus consommateur passif.
Le constat est dressé qu’il y a peu de revendications alors que le pouvoir d’achat décline dangereusement. La décroissance volontaire permettrait-elle de recouvrer une capacité à disposer de soi, une autonomie débouchant sur des velléités de revendication ?
Pour conclure, je citerai Le bossé qui propose cette réponse dans sa présentation de l’unité d’analyse « acteur en contexte ». Il y dévoile la prise en compte simultanée des composantes structurelles et personnelles : « l’empowerment réfère à un pouvoir d’agir, pouvoir pragmatique fondé sur une logique de changement émergeant et de démocratie participative – pouvoir individuel et collectif,…pouvoir qui inclut simultanément la capacité personnelle et la réunion des conditions structurelles.» …
« Les problèmes sociaux sont une conséquence directe des modalités d’accessibilité et de distribution des ressources collectives. Par ailleurs les pratiques privilégiées pour accompagner les personnes en difficulté ne traitent que les effets de ces dysfonctionnements et tendent à faire de la conduite du changement une source d’expertise exclusivement professionnelle. La solution proposée consiste à concevoir des pratiques sociales aptes à traiter simultanément les facteurs structurels et les composantes individuelles des problèmes sociaux tout en redonnant aux personnes accompagnées une place centrale dans la conduite du changement. (5)

(1) Cadre de travail : C.P.A.S. (centre Publique d’Action Sociale) pourvoyeur communal d’aide sociale sous la forme qui lui apparaît après analyse comme la plus appropriée (et toujours insuffisante en temps et en argent), aide administrative (recouvrir des droits…), matérielle (colis et surtout aide financière (Revenu d’intégration Sociale (sous le seuil de pauvreté !)) souvent complété après analyse du budget par d’autres interventions (frais pharmaceutiques, factures énergétiques…)) et psychosociale (écoute, conseils…)

(2) Cette expression n’a jamais été utilisée dans la promotion de l’événement.

(3) 2010, Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Objectifs fixés par l’UE, notamment : - la reconnaissance du droit fondamental des personnes à prendre une part active dans la société et - l’adhésion du public aux politiques d’inclusion sociale.

(4) DRIESSENS. K., VAN REGENMORTEL. T., Force du lien contre la pauvreté, Editions LannooCampus, 2006, 364p.

(5) LE BOSSE Y. « Les pratiques éducatives centrées sur le développement du pouvoir d'agir des personnes et des collectivités : étude d'une expérience d'économie sociale. » recherche 2006-2010


(6) SEN cité par Driessens et Van Regenmortel

(7) Extrait du manifeste FAIR (forum pour d’autres indicateurs de richesse – décembre 2008)

(8) Paul ARIES, conférence à Namur – 8 octobre 2010, Les rendez-vous du SIP

Résumé en Anglais


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