Fiche Documentaire n° 6052

Titre Intervenants sociaux en contexte judiciaire : différentes postures et valeurs

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Auteur(s) RAFFESTIN isabelle  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Intervenants sociaux en contexte judiciaire : différentes postures et valeurs

Nombre de personnes en situation de vulnérabilité sont judiciarisées au Québec (Bellot et Sylvestre, 2017 ; Bernier et al., 2011 ; Chesnay et al., 2014), ce qui les fait entrer dans le système judiciaire. Cette judiciarisation, pour des gestes souvent anodins ou liés à leurs conditions de vie précaires, bouleverse la vie de ces personnes. En plus de mettre à mal le fragile équilibre que plusieurs peuvent vivre, de limiter leurs déplacements (Sylvestre et al., 2017), de contribuer à la perte de leurs effets personnels ou des liens interpersonnels (Raffestin, 2009), elles sont amenées à devoir se présenter devant des tribunaux. Ceux-ci peuvent être « traditionnels » (procédure s’adressant à toute personne accusée) ou au contraire être inspirés des problem solving court (Miller et Johnson, 2009) qui visent à s’adapter à différentes populations en situation de vulnérabilité vivant une problématique considérée comme sous-jacente à la criminalité. Par ces derniers, nous pensons aux tribunaux sociaux ou programmes sociaux qui visent les personnes vivant une situation d’itinérance (Fortin et Raffestin, 2017), de toxicomanie (Brochu et Landry, 2010), un problème lié à la santé mentale (MacDonald et Dumais Michaud, 2015), commettant un vol de subsistance (Meunier et al., 2013) ou encore qui s’adressent aux personnes des Premières Nations. Au Québec, ces tribunaux se développent de plus en plus et vont continuer de voir le jour en raison d’une nouvelle loi visant à encadrer la mise en place de ces programmes. Ainsi, ceux-ci sont destinés à demeurer dans l’espace judiciaire, aussi bien dans des instances municipales que des palais de justice.
Cette réalité fait en sorte que de plus en plus d’intervenants sociaux ou de travailleurs de rue accompagnent les personnes accusées lors de comparutions au sein des instances judiciaires pénales et criminelles. À ces intervenants, s’ajoutent les travailleurs sociaux ou autres intervenants sociaux qui œuvrent au sein même de ces programmes en contexte judiciaire, à titre de partenaires des acteurs judiciaires. Cela conduit ces différents intervenants à adopter de nouvelles pratiques, dans un contexte autoritaire où la morale et le respect des règles et la gestion de comportements dominent. Ces pratiques émergentes où le monde social, pour qui le lien social, le parti pris pour la personne et la défense des droits sont des éléments centraux, rencontre celui du judiciaire, requièrent que les intervenants sociaux côtoient différents acteurs tels que des avocats de la défense et parfois même de la poursuite (appelés également procureurs) pour qui la représentation et la lecture juridique sont leur terrain quotidien.
Par conséquent, notre présentation se basera sur les données préliminaires de notre terrain doctoral mené auprès d’intervenants sociaux qui œuvrent dans et en dehors de programmes sociaux et qui accompagnent les personnes en situation de vulnérabilité, accusées en matière criminelle à Montréal. Elle permettra de mettre en valeur les différents rôles et postures qu’ils peuvent prendre et développer afin de répondre aux besoins des personnes qu’ils accompagnent. À chacune de ces postures seront associées les valeurs que ces intervenants mettent de l’avant, dans ce contexte où éthique et morale se rencontrent. Cela pourra nous amener à réfléchir à la place que ces intervenants sociaux peuvent prendre dans un tel contexte.

Bibliographie

Bellot, C. et Sylvestre, M.-E. (2017). La judiciarisation de l’itinérance à Montréal : les dérives sécuritaires de la gestion pénale de la pauvreté. Revue générale de droit, vol. 47 (Hors-série), 11 44.

Bernier, S., Bellot, C. et Sylvestre, M-E. (2011). La judiciarisation des personnes en situation d’itinérance à Québec : point de vue des acteurs socio-judiciaires et analyse du phénomène. The Homeless Hub, Université de York, Rapport de recherche.

Brochu, S. et Landry, M. (2010). Les tribunaux spécialisés dans le traitement de la toxicomanie au Québec, Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec (RISQ-Info), vol. 18, 1, 1-3.

Chesnay, C., Bellot, C. et Sylvestre, M.-E. (2014). Judiciarisation des personnes itinérantes à Québec : une géographie des pratiques policières répressives au service de la revitalisation. EchoGéo, vol. 28, 17.

Fortin, V. et Raffestin, I. (2017). Le Programme d’accompagnement justice – itinérance à la cour municipale de Montréal (PAJIC) : un tribunal spécialisé ancré dans le communautaire, Revue générale de droit, vol. 47, 177-208.

MacDonald, S-A. et Dumais Michaud, A-A. (2015a). La prise en charge et discours entourant les personnes judiciarisées au sein d’un tribunal de santé mentale, Nouvelles Pratiques sociales, vol. 27, 2, 161.

Meunier, É., Wemmers, J.-A. et Jimenez, E. (2013). Évaluation d’un programme alternatif pour contrevenantes. Criminologie, 46(1), 269 287.

Miller, J. et Johnson, D. C. (2009). Problem Solving Courts: A Measure of Justice (Reprint edition, Kindle Edition). Lanham, MD: Rowman & Littlefield Publishers.

Raffestin, I. (2009). Une injustice programmée ? Le point de vue des personnes itinérantes sur leur judiciarisation et leur incarcération, Mémoire de maitrise en travail social, Université de Montréal.

Sylvestre, M.-E., Bellot, C., Blomley, N., Fortin, V. et Duchesne Blondin, A. (2017). Les conditions géographiques de mise en liberté et de probation et leur impact sur les personnes marginalisées à Montréal, McGill Law Journal, vol. 62, 4, 923 973.

Présentation des auteurs

Doctorante en travail social à l'Université de Montréal, j’ai été intervenante sociale dans le milieu associatif durant plus de 15 ans auprès des personnes en situation d'itinérance ou toxicomanes. J’ai participé à des recherches sociales portant sur la judiciarisation des personnes itinérantes.

Communication complète

Intervenants sociaux en contexte judiciaire : différentes postures et valeurs

Nombre de personnes en situation de vulnérabilité sont judiciarisées au Québec (Bellot et Sylvestre, 2017 ; Bernier et al., 2011 ; Chesnay et al., 2014), ce qui les fait entrer dans le système judiciaire. Cette judiciarisation, pour des gestes souvent anodins ou liés à leurs conditions de vie précaires, bouleverse la vie de ces personnes. En plus de mettre à mal le fragile équilibre que plusieurs peuvent vivre, de limiter leurs déplacements (Sylvestre et al., 2017), de contribuer à la perte de leurs effets personnels ou des liens interpersonnels (Raffestin, 2009), elles sont amenées à devoir se présenter devant des tribunaux. Ceux-ci peuvent être « traditionnels » (procédure s’adressant à toute personne accusée) ou au contraire être inspirés des problem solving court (Miller et Johnson, 2009) qui visent à s’adapter à différentes populations en situation de vulnérabilité vivant une problématique considérée comme sous-jacente à la criminalité. Par ces derniers, nous pensons aux tribunaux sociaux ou programmes sociaux qui visent les personnes vivant une situation d’itinérance (Fortin et Raffestin, 2017), de toxicomanie (Brochu et Landry, 2010), un problème lié à la santé mentale (MacDonald et Dumais Michaud, 2015), commettant un vol de subsistance (Meunier et al., 2013) ou encore qui s’adressent aux personnes des Premières Nations. Au Québec, ces tribunaux se développent de plus en plus et vont continuer de voir le jour en raison d’une nouvelle loi visant à encadrer la mise en place de ces programmes. Ainsi, ceux-ci sont destinés à demeurer dans l’espace judiciaire, aussi bien dans des instances municipales que des palais de justice.

Cette réalité fait en sorte que de plus en plus d’intervenants sociaux ou de travailleurs de rue accompagnent les personnes accusées lors de comparutions au sein des instances judiciaires pénales et criminelles. À ces intervenants, s’ajoutent les travailleurs sociaux ou autres intervenants sociaux qui œuvrent au sein même de ces programmes en contexte judiciaire, à titre de partenaires des acteurs judiciaires. Cela conduit ces différents intervenants à adopter de nouvelles pratiques, dans un contexte autoritaire où la morale et le respect des règles et la gestion de comportements dominent. Ces pratiques émergentes où le monde social, pour qui le lien social, le parti pris pour la personne et la défense des droits sont des éléments centraux, rencontre celui du judiciaire, requièrent que les intervenants sociaux côtoient différents acteurs tels que des avocats de la défense et parfois même de la poursuite (appelés également procureurs) pour qui la représentation et la lecture juridique sont leur terrain quotidien.

Par conséquent, notre présentation se basera sur les données préliminaires de notre terrain doctoral mené auprès d’intervenants sociaux qui œuvrent dans et en dehors de programmes sociaux et qui accompagnent les personnes en situation de vulnérabilité, accusées en matière criminelle à Montréal. Elle permettra de mettre en valeur les différents rôles et postures qu’ils peuvent prendre et développer afin de répondre aux besoins des personnes qu’ils accompagnent. À chacune de ces postures seront associées les valeurs que ces intervenants mettent de l’avant, dans ce contexte où éthique et morale se rencontrent. Cela pourra nous amener à réfléchir à la place que ces intervenants sociaux peuvent prendre dans un tel contexte.

Résumé en Anglais

A number of people in precarious situations are being prosecuted in Quebec for actions related to their living conditions. This disrupts their lives and threatens the fragile balance of many, limits their movements, contributes to the loss of their personal belongings or their interpersonal ties. The courts where they must present themselves may be "traditional" or inspired by problem solving courts that aim to adapt to different populations experiencing homelessness, a mental health problem, drug addiction... considered as underlying crime.

The entry into this system leads more social workers to accompany the accused persons. In addition, social workers who work within these social programs in a judicial context, as partners of the judicial actors. This leads these different interveners to adopt new practices, in an authoritarian context where morality and the respect of rules and behaviour management dominate.

Our presentation will be based on preliminary data from our doctoral fieldwork conducted with social workers who work in and outside of social programs and who accompany vulnerable people who are accused in criminal matters. It will show the different roles and postures they can take to meet the needs of the persons they accompany. Each of these postures will be associated with the values put forward, in this context where ethics and morality meet.