Mondialisation : le retour du social ?
Depuis plusieurs décennies, la protection sociale est surtout considérée comme une charge financière: le « consensus de Washington » a servi de référence aux plans d’ajustement structurels du FMI construits autour d’un allègement des dépenses sociales, d’un recours accru au marché et d’une ouverture des économies à la concurrence. Aujourd’hui encore, en Europe par exemple, les gouvernements cherchent à réduire les dépenses des régimes sociaux en vue d’un retour à l’équilibre. Les conséquences de ces politiques sont très lourdes socialement.
Pourtant, la protection sociale a aussi des effets positifs pour ceux qui en bénéficient et aussi pour l’économie dans son ensemble : les prestations sociales constituent un « amortisseur » de crise; la productivité est aussi liée à la bonne santé des travailleurs ; la redistribution des revenus opérée par les régimes sociaux favorisent la consommation ; un agriculteur qui n’a pas à faire face seul aux accidents de la vie peut placer ses économies en investissements productifs.
L’absence de protection sociale aggrave les effets d’une crise économique, mais la crise prive les gouvernements des moyens de construire un système de protection adapté. Ce cercle vicieux n’est qu’apparent. Historiquement en effet, le lien entre les grandes crises et l’émergence des systèmes sociaux ambitieux est largement établi. La grande dépression a conduit aux Etats-Unis à la naissance du « welfare state ». Du conseil de la résistance et du rapport Beveridge pendant la guerre sont issus les systèmes de protection sociale français et anglais. Et des travaux de recherche récents sur les crises des dernières décennies aboutissent aux mêmes conclusions : les effets sociaux des crises conduisent inévitablement à prendre des mesures réparatrices qui perdurent et prémunissent contre les crises futures. La Corée du sud s’est rétablie rapidement après avoir subi la crise financière asiatique et a construit un système de protection sociale complet en 20 ans.
Alors, quel grand dessein social peut-on espérer à la suite de la crise planétaire que nous vivons ? Rien n’est gagné, mais des signes sont perceptibles d’un changement dans l’approche de la protection sociale à l’échelle mondiale. La banque mondiale travaille déjà depuis longtemps sur les facteurs humains du développement, santé et éducation. Et le FMI reconnaît ses erreurs passées. Toutes les agences des Nations-Unies ont lancé ensemble un concept nouveau, le socle de protection sociale à vocation universelle.
Près de 80% des travailleurs dans le monde n’ont pas de protection sociale, les organisations internationales veulent mobiliser l’opinion et rappeler qu’il s’agit d’un droit affirmé par la déclaration universelle des droits de l’Homme. Donner à tous un accès à quelques services de base, comme la santé, l’eau potable, l’école élémentaire…et des prestations monétaires à ceux qui ne peuvent vivre de leur travail, enfants, personnes âgées ou handicapées, chômeurs…Ce programme pourrait permettre d’atteindre le premier des objectifs du millénaire, réduire la pauvreté, que la crise a rendu quasi inaccessible. Ce programme a été chiffré et peut être mis en œuvre si la volonté politique existe.
Cette initiative des agences de l’ONU est soutenue par des gouvernements, dont celui de la France, et des ONG, dont le Conseil International d’Action Sociale. Une coalition s’organise pour faire avancer le projet. Un groupe d’experts, présidé par Mme Bachelet, ancienne présidente du Chili s’est constitué pour convaincre les gouvernements de le mettre en œuvre. Lors du sommet du G20 à la fin de l’année, un volet social est à l’ordre du jour, qui comporte ce sujet.
La société civile peut utilement faire pression en faveur du « retour du social ». Les travailleurs sociaux y ont toute leur place. Et la protection sociale doit aussi être un thème de coopération ; c’est la mission du Gip-spsi.
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