Fiche Documentaire n° 2342

Titre L’ACCOMPAGNEMENT EN CONSULTATION JEUNES CONSOMMATEURS :
ÉVOLUTION D’UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE ET TRANSMISSION DE SAVOIRS

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Auteur(s) FRULEUX Patricia  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

L’ACCOMPAGNEMENT EN CONSULTATION JEUNES CONSOMMATEURS :
ÉVOLUTION D’UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE ET TRANSMISSION DE SAVOIRS

La prévention, la prise en compte des dommages liés aux addictions et le soin ont considérablement évolué ces dernières années. Cela vient modifier le paradigme de la prise en charge des personnes rencontrant une problématique d’addiction.
Cette contribution a pour objet l’évolution de la pratique professionnelle en addictologie liée à la mise en place des Consultations Jeunes Consommateurs (CJC). En premier lieu, nous allons présenter comment a émergé, s’est mise en place et s’est construite cette nouvelle pratique clinique. Nous présenterons ensuite les réflexions auxquelles cette pratique a donné lieu, notamment au sujet des savoirs acquis par les professionnels de ces structures et de leur transmission.
L’augmentation de l’usage de cannabis par les adolescents et jeunes adultes a entraîné dès 2002 un accroissement des demandes de prises en charges dans les Centres Spécialisés de Soins aux Toxicomanes (CSST). Ce pose alors un problème, ceux-ci ne sont pas adaptés pour l’accueil des adolescents consommateurs de cannabis accompagnés par leurs parents. C’est pourquoi, en 2004, les Pouvoirs publics ont mis en place les consultations cannabis, appelées aujourd’hui Consultation Jeunes Consommateurs.
La prise en compte de cette problématique spécifique a remis en question un pré-requis fondamental en toxicomanie depuis la création des structures de soins : conditionner la prise en charge à une démarche volontaire et à la prise en compte de l’usager uniquement. La mise en place des CJC a fait émerger de nouvelles formes de demandes, se traduisant par une augmentation significative des rendez-vous pris à partir de contraintes posées par un tiers, qu’elles soient judiciaires, familiales ou socio-éducatives. En conséquence, cela a entraîné des bouleversements dans les pratiques des professionnels qui intervenaient jusque là en toxicomanie et, de fait, a suscité une interrogation sur la pratique clinique.
Ainsi dans un premier temps, conjointement à la création des CJC, ont été instaurées des rencontres régionales entre les acteurs des consultations. Le but de ces rencontres était de porter un regard réflexif (Vygotski, 1985) sur les savoirs mobilisés pour cette nouvelle approche clinique expérimentale, de définir des objectifs clairs pour la politique de Santé Publique et d’explorer les difficultés éventuelles liées à la mise en œuvre d’un cahier des charges.
Puis en 2011, un groupe de pilotage national a été créé. L’objectif central était d’accompagner l’évolution des pratiques professionnelles dans les CJC. D’une part, en s’appuyant sur une pratique réflexive (Perrenoud, 2004) redonnant un statut d’acteurs aux intervenants dans la construction de leurs savoirs (Schön, 1994). D’autre part, en mettant en discussion et en échange les différentes études et recommandations (Obradovic, 2004-2007, 2011) qui existent concernant la prise en charge des jeunes consommateurs.

Cette évolution nécessitait, l’élaboration d’un corpus de « bonnes pratiques » par et pour les professionnels pour mieux appréhender les modalités d’action dans ce dispositif et de les rendre visibles pour les partenaires et le grand public. In fine, d’être mieux repérés dans l’aide qu’ils peuvent apporter, tant aux personnes reçues qu’aux professionnels. En 2012, un guide sur les pratiques professionnelles en CJC a d’ailleurs été édité par la Fédération Addiction.
Il faut savoir, enfin, qu’afin de valoriser et de favoriser la transmission des savoirs acquis par les professionnels des CJC, une des missions de ces professionnels est le soutien des partenaires au contact avec les jeunes et la mise en place d’actions de formation destinées aux travailleurs sociaux.

Bibliographie

• Couteron J.P. Morel A. et (2008). Les conduites additives. Paris : Dumod
• Fédération addiction (2012). Les pratiques professionnelles dans les consultations jeunes consommateurs. De l'analyse des pratiques d'un réseau à l'élaboration de recommandations partagées
• Fédération Française d’Addictologie (2011). Le Livre blanc de l’addictologie, 100 propositions pour réduire les dommages des addictions en France
• Morel A. (2006). Prévenir les consommations à risque chez les jeunes. La Santé de l'homme, 386, pp 32 à 34
• Morel A. Les addictions, un objet spécifique de la prévention. Alcoologie et addiction 2005, 27(4) : pp 323-335
• Obradovic I. (2004-2007). Évaluation du dispositif des consultations jeunes consommateurs- public, filières de recrutement, modalités de prise en charge. OFDT 2009
• Obradovic I (2011). Synthèse des focus groups « Consultations jeunes consommateurs ». OFDT 2011
• Perrenoud P. (2004). Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la professionnalisation http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2004/2004_12.html
• Schön D.A. (1994). Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel. Montréal: Les Éditions Logiques
• Vygotski L.S. (1985). Pensée et langage. Paris, éditions sociales
• Circulaire DGS/DHOS/DGAS n°2004-464 du 23 septembre 2004 relative à la mise en place de consultations destinées aux jeunes consommateurs de cannabis et autres substances psychoactives et leur famille
• Circulaire n°DGS/MC2/2008/79 du 28 février 2008 relative à la mise en place des CSAPA et à la mise en place des schémas régionaux médico-sociaux d’addictologie

Présentation des auteurs

FRULEUX Patricia
Éducatrice spécialisée en CSAPA. Titulaire d’un master en Sciences de l’Éducation à l’Université Lille 3. Membre du pôle ERIFA (éthique de la recherche intervention formation d'adulte) du laboratoire Trigone (CIREL) à Lille1, sous la direction de Martine BEAUVAIS, dans l'attente de l’entrée en doctorat.

Communication complète

L’ACCOMPAGNEMENT EN CONSULTATION JEUNES CONSOMMATEURS :
EVOLUTION D’UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE ET TRANSMISSION DE SAVOIRS
Présenté par Patricia Fruleux
Éducatrice spécialisée au pôle addictologie de l’Espace du Possible (La sauvegarde du nord). Titulaire d’un Master Éducation et Santé

La prévention, la prise en compte des dommages liés aux addictions et le soin ont considérablement évolué ces dernières années, modifiant le paradigme de la prise en charge des personnes rencontrant une problématique d’addiction (Fédération Française d’addictologie 2011).
Éducatrice au sein d'un dispositif en addictologie depuis 18 ans, j’ai souhaité vous présenter à partir de mon expérience, comment avec la création des Consultations Jeunes Consommateurs (CJC), a émergé puis s’est construite une nouvelle pratique professionnelle. Le travail de préparation de cette communication m’a conduit dans un premier temps, à identifier les différentes étapes du processus qui ont amené les professionnels à développer de nouvelles compétences. Puis dans un deuxième temps, à questionner en quoi l’analyse et la réflexion autour de la pratique ont contribué à la construction de nouveaux savoirs cliniques et l’intérêt de leur transmission.

ÉLÉMENTS DE CONTEXTE ABOUTISSANT A LA CRÉATION D'UN NOUVEAU DISPOSITIF
Au début des années 90 a été constaté un accroissement de l’expérimentation du cannabis chez les adolescents et jeunes adultes. Cela a entraîné une modification du profil des demandeurs de soins en toxicomanie, ainsi qu’une augmentation des demandes de prise en charge dans les Centres Spécialisés de Soins aux Toxicomanes (CSST) inadaptés à l’accueil de jeunes consommateurs de cannabis et de leur famille.
La consommation de cannabis chez les jeunes en devenant, un problème de santé publique, a amené les pouvoirs publics, en 2004 , à apporter une réponse appropriée à l’accueil des adolescents et jeunes adultes et de leur entourage, en créant les consultations cannabis. Les professionnels engagés pour travailler dans ces consultations étaient majoritairement des intervenants issus des structures de soin pour toxicomanes. Avec la circulaire de 2008 , les CSST sont devenus des CSAPA (Centres de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) et les consultations cannabis des CJC (Consultation Jeunes Consommateurs). Elles ont ainsi été intégrées, en tant que mission, dans le cadre global des CSAPA pour les structures médico-sociales ou dans les consultations hospitalières pour les établissements de santé.
S’inscrivant dans la loi de 70, l’accueil y est gratuit et peut être anonyme. Les consultations sont ouvertes à des heures compatibles avec les horaires scolaires, et séparées des autres services en toxicomanie. Elles doivent apporter une réponse aux demandes des jeunes en difficulté avec leur consommation et fournir aux familles une information et éventuellement un soutien éducatif, avec la possibilité d’une consultation conjointe. Se situant à l’interface du soin et de la prévention, elles permettent d’intervenir le plus précocement possible, afin d’éviter le passage à une addiction ou d’accélérer l’entrée dans une prise en charge adaptée.

RENCONTRE D'UNE VOLONTÉ POLITIQUE ET D'UN BESOIN DES PROFESSIONNELS
A la création des consultations cannabis, en 2005, plusieurs niveaux de suivi ont été mis en place afin de clarifier et identifier leur activité. En lien avec la MILDT , l’OFDT , la DGS et les professionnels ils devaient permettre aux différentes consultations, de prendre en compte la fréquentation, ainsi que l’échange des pratiques et les difficultés rencontrées dans ces nouveaux lieux.
• Par l’informatisation de l’activité des consultations et des enquêtes nationales réalisées par l’OFDT ,
• Avec des rencontres régionales et une réflexion menée sur l’évolution des pratiques dans les CJC
En 2008, devenant une mission du CSAPA ou de la consultation hospitalière, il était nécessaire de la rendre visible
• Sur le plan politique : Avec la mesure 3-3 du Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et la toxicomanie 2008-2011 prévoyant l’amélioration de l’accessibilité des CJC.
• Pour les professionnels : Par une démarche participative « avec et pour » l’ensemble des CJC, afin de favoriser l’évolution des pratiques professionnelles et d’en produire un guide

UNE NOUVELLE PRATIQUE CLINIQUE
La prise en compte d’un nouveau public est venue modifier l’accompagnement proposé jusqu’alors, par les intervenants en toxicomanie, sur quatre points :
• Le profil du public initialement demandeur de soins, s’est considérablement modifié avec la prise en compte du cannabis comme produit pouvant entraîner des dommages
• L’impératif incontournable de conditionner la prise en charge à une demande volontaire, a été remis en question par des demandes de rendez-vous pris pour des adolescents consommateurs, faisant majoritairement l’objet d’une contrainte posée par un tiers (quelle soit familiale, judiciaire ou socio-éducative)
• La prise en compte de l’entourage a succédé à la relation duelle avec l’usager, longtemps privilégiée en toxicomanie
• La nécessité de favoriser l’intervention précoce a amené les professionnels à aller vers le public et à développer le travail de partenariat (avec l'éducation nationale, médecine générale, secteur social et judiciaire...)
Ces nouvelles situations ont soulevé différentes questions. Dans un premier temps, celles-ci ont conduit les professionnels au sein même de leur structure, dans le cadre de réunion clinique ou d'analyse des pratiques, à réfléchir à partir de leur pratique, à l’évolution et la transformation de leurs compétences. Puis à confronter leurs observations avec les professionnels des autres CJC, dans le cadre de l’instauration de rencontres régionales. Dans un second temps, à partir de ces observations, à entreprendre des formations afin de développer des stratégies spécifiques et innovantes.
Les professionnels en CJC se sont ainsi formés à la clinique de l’adolescent, à l’accueil et au soutien de leur entourage, à l’approche motivationnelle et à l’intervention précoce. Les CJC ont intégré l’intérêt d’aller vers l’usager, d’anticiper la possibilité d’une rencontre, en offrant un accueil sans condition, sans préalable de degré d’usage ou de projet de soins (Couteron et Bonnaire 2009, Morel 2006). Ainsi avec la mise en place de ces consultations, une pratique clinique s’est donc peu à peu construite, aboutissant à l’acquisitions de nouveaux savoirs s’inspirant de ce qui est au cœur de l’addictologie en l’adaptant aux spécificités d’un public jeune et de la prise en compte des familles.
L’évolution de cette nouvelle pratique clinique, nécessitait, l’élaboration d’un corpus de « bonnes pratiques », par et pour les professionnels, pour mieux appréhender les modalités d’action de ce dispositif et de les rendre visibles pour les partenaires et le grand public.
En 2011, pour piloter ce projet, la Fédération Addiction a constitué un groupe pluridisciplinaire de 14 professionnels intervenant dans les CJC de l’ensemble du territoire, auquel j’ai participé. Ce groupe s’est réuni pendant un an. Il a eu pour mission en lien avec la chargée de mission de :
• Piloter la mise en œuvre opérationnelle du projet
• Construire les outils nécessaires à la démarche
• Apporter son expérience, son expertise et nourrir la réflexion
• Se mobiliser pour porter le projet lors de rencontres, réunions, colloques, etc.
In fine, d’être mieux repérer dans l’aide qu’ils peuvent apporter, tant aux personnes reçues, qu’aux professionnels.

LE PROCESSUS DE RÉFLEXION MIS EN PLACE AUTOUR DE CETTE NOUVELLE PRATIQUE CLINIQUE PEUT-IL ETRE CONSIDÉRÉ COMME UNE DÉMARCHE RÉFLEXIVE ?
Le processus de réflexion entourant la mise en place puis la reconnaissance de ce nouveau dispositif a semble-t-il, permis aux acteurs de porter un regard réflexif sur leurs savoirs mobilisés par cette nouvelle approche clinique expérimentale.
Dès lors nous pouvons nous demander si la posture des professionnels qui les a amenés à réfléchir sur leur façon d’agir dans une dynamique tant critique que constructive, peut être considérée comme une pratique réflexive. Pour y répondre nous allons nous référer aux travaux de Schön (1994) sur la réflexion en cours d’action, qui contribuent à comprendre comment les praticiens construisent leurs savoirs pratiques. C’est en agissant et en réfléchissant sur les résultats de l’action que les praticiens testent et valident les solutions à un problème. Pour lui, il y a deux niveaux de réflexion : la réflexion dans l’action qui consiste en une prise de conscience de certains éléments de la pratique et la réflexion sur l’action qui conduit le praticien à prendre une distance vis-à-vis de sa pratique quotidienne et s’interroger sur le contenu et les raisons qui justifient certaines décisions. Schön propose ainsi un modèle où la construction du corpus de connaissances des praticiens s’élabore progressivement à travers la réflexion en cours d’action et sur l’action.
Nous pouvons y ajouter la proposition de Perrenoud (2004), qui distingue deux temps de la réflexion sur l’action : le temps de l’action en cours et le temps de l’après coup. Il y ajoute un troisième temps, le temps d’anticipation, de préparation de l’action qui existe lorsqu’on analyse la place de la réflexion dans la conduite de l’action.
À partir de ces auteurs, nous pouvons dire que dès leur création, c’est mis en place pour les professionnels des CJC un processus de réflexion sur l’évolution de leur pratique. Dans l’action, en premier lieu, de par la découverte d’une nouvelle problématique venant « bousculer » et modifier leur pratique professionnelle. Puis sur l’action, en s’interrogeant au travers des différentes instances de réflexion mises en place, autour et sur leur pratique, aboutissant à l’écriture d’un guide (Les pratiques professionnelles dans les consultations jeunes consommateurs. De l’analyse des pratiques d’un réseau à l’élaboration de recommandations partagées).
Nous pouvons également considérer que cette pratique réflexive a permis aux professionnels des CJC, de développer de nouvelles compétences au sens donné par Perrenoud (2003) « Le développement d'une compétence dépend de la capacité réflexive de l'acteur, autrement dit de sa capacité d'identifier soit les manques ou les failles de ses ressources, soit les points faibles de leur mobilisation. Le processus d'apprentissage à partir de l'expérience réelle peut-être un très sûr moteur du développement des compétences si la posture réflexive est au rendez-vous et si l'acteur a de bonnes raisons de vouloir mieux faire ».

VALORISATION ET TRANSMISSION DES SAVOIRS
Tout au long de l’année 2013, le guide fait l’objet d’une démarche d’accompagnement territorial afin de favoriser l’appropriation des recommandations issues de ce document. Il a également pour but de contribuer à améliorer la visibilité des CJC sur les territoires et les positionner comme centres de ressources sur la question des addictions chez les jeunes auprès des professionnels, spécialisés ou non, travaillant avec les jeunes.
Afin de poursuivre la dynamique initiée avec les Consultations Jeunes Consommateurs, le groupe projet national de la Fédération a élaboré avec le soutien de la DGS et la MILDT un document de communication à destination des partenaires de ces consultations, autrement dit, l’ensemble des professionnels qui rencontrent ou accueillent des jeunes dans leur structure ou institution (Éducation Nationale, Mission Locale, PAEJ, MDA, foyers, médecins de ville etc.). En effet, l’étude réalisée en 2011 avait permis de repérer le besoin de rendre plus visible et lisible l’existence et les missions des Consultations Jeunes Consommateurs.
Support d’échange et de réflexion, cette plaquette a pour objectif de favoriser les liens entre les professionnels et ainsi faciliter les passerelles dans l’accompagnement du jeune pour une meilleure prise en compte de la question des addictions.

Les nouvelles compétences acquises par les professionnels ont créé une émulation au sein des services ambulatoire, dans les CSAPA modifiant ainsi, de fait, l’accompagnement tout public qui y est proposé.

Enfin, pour valoriser et favoriser la transmission de leur savoirs, les professionnels des CJC, ont pour mission des actions de formation. D’une part auprès des acteurs qui rencontrent la population jeune, pour rendre possible la pratique et la diffusion du repérage précoce. D’autre part, en intervenant auprès des travailleurs sociaux en poste et dans les lieux de formation.

Résumé en Anglais


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