Règlementation et « bonnes pratiques » : quelle appropriation pour les professionnels de la protection de l’enfance ?

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale introduit un bouleversement important dans les pratiques professionnelles. En imposant un certain nombre d’outils ainsi qu’en mettant en place un Conseil National pour l’Évaluation Sociale et Médico-sociale chargé, entre autres, de valider des « bonnes pratiques » ce texte a interpellé et continue d’interpeller les intervenants sociaux. Huit ans plus tard, cette loi n’a toujours pas été intégralement traduite dans les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux.

Sans entrer dans le détail de la loi, ce qui nous intéresse plus particulièrement c’est la notion de « bonnes pratiques » et la manière dont les professionnels du travail social s’en sont saisis. Nous centrons notre approche sur la protection de l’enfance car c’est un secteur qui, contrairement à celui du handicap ou des personnes âgées, n’était qu’assez peu concerné par les référentiels, les enquêtes et autres questionnaires bientraitance. La loi 2002-2 représente donc dans ce champ en particulier une nouveauté importante et un changement de culture radical. Par ailleurs, nous nous pencherons davantage sur les établissements de protection de l’enfance que sur les mesures en milieu ouvert, car là aussi, il semble que ce soit dans ce domaine spécifique de l’accueil et de l’hébergement dans des structures fermées que les mutations soient les plus importantes.

Il s’agit dans cette communication de présenter les résultats d’un travail de recherche mené dans le cadre d’un doctorat de sociologie. Ce travail porte sur les conséquences de la loi 2002-2 en termes de pratiques d’encadrement. Notre recherche s’appuie sur une observation participante du fonctionnement d’une association de protection de l’enfance qui gère dix-neuf établissements ainsi que sur des entretiens avec divers professionnels de cette association. A travers cette étude, nous avons pu constater les difficultés et les questionnements que soulevait la mise en application de la réglementation et des « bonnes pratiques ». Difficultés liées d’une part à l’ambivalence même de cette notion, mais aussi liées à la nécessité d’un accompagnement spécifique des professionnels pour leur permettre de s’approprier des outils, des méthodes, des concepts nouveaux.

Dans cette communication, nous développerons ces éléments autour de deux axes : un premier axe portera sur ce que nous appelons la « protocolisation » du travail. C’est-à-dire, le fait de mettre à l’écrit, de formaliser un certain nombre de pratiques existantes mais pas toujours clairement identifiées. Nous analyserons quelques documents institutionnels produits ces dernières années. Un second axe sera lui centré sur les postures des professionnels face à ces mécanismes d’appropriation. Les professionnels développent en effet des stratégies diverses par rapport à cette forme de normalisation du travail social. De ce point de vue, la place et le rôle des professionnels qui accompagnent cette appropriation (conseillers techniques, responsables qualité, consultants, etc.) doivent être étudiés et analysés pour mieux comprendre les évolutions des professionnels d’un côté et des pratiques de l’autre.

Ouvrages :

ASTIER I., Les nouvelles règles du social, Paris, PUF, coll. Le lien social, 2007, 200p.
CHOPART J.-N. (sous la dir.), Les mutations du travail social : dynamiques d’un champ professionnel, Paris, Dunod, 2000, 305p.
ION J., Le Travail social en débat(s), Paris, La Découverte, 2005, 274 p.
ION J., RAVON B., Les travailleurs sociaux, Paris, La Découverte, coll. Repères, 7ème édition, 2005, 128 p.
JORRO A., La reconnaissance professionnelle en éducation : évaluer, valoriser, légitimer, Ottawa, Les Presses de l'Université d'Ottawa, 2009, 192p.
LEGLISE I. (dir.), Pratiques, langues et discours dans le travail social : écrits formatés, oral débridé, Paris, L’Harmattan, 2004, 135p.
ROUSSEAU P., Pratique des écrits et écritures des pratiques : la part « indicible » du métier d’éducateur, Paris, L’Harmattan, 2007, 301p.

Articles:

ASTIER I., « Les transformations de la relation d’aide dans l’intervention sociale », Informations Sociales n°152/2009, 2009, p. 52-59.
BERTRAND D., « Les éducateurs spécialisés à l’épreuve de la normalisation », Actualités Sociales Hebdomadaires, n° 2592, 16 janvier 2009, pp 51-53
CHERONNET H. « Etre cadre dans le secteur de l’éducation spécialisée : Quelle(s) professsionnalité(s) dans un contexte de rationalisation de l’action publique ? », Sociétés et jeunesses en difficulté [en ligne], N°7 Printemps 2009 mis en ligne le 9 octobre 2009, consulté le 28 juillet 2010. URL : http://sejed.revues.org/index6132.html
SENTEIN D., « La loi 2002-2 : du management de la rupture au management par la démarche d’amélioration continue » 2005, EMPAN, N°55, pp 62-72

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