Fiche Documentaire n° 4058

Titre Une recherche collaborative pour mieux connaitre les contextes de vie des parents qui vivent le placement de leur(s) enfant(s)

Contacter
l'auteur principal

Auteur(s) TERRIER Eugénie
GREFFEUILLE Catherine
LUCAS Didier
 
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

Résumé | Bibliographie | Les auteurs... | Article complet | PDF (.fr) | Résumé en anglais | PDF .Autre langue | Tout afficher

Résumé

Une recherche collaborative pour mieux connaitre les contextes de vie des parents qui vivent le placement de leur(s) enfant(s)

Cette communication présentera la dynamique de travail d’un groupe de recherche qui s’est formé en 2012 dans le cadre d’une recherche-action partenariale entre le Département d’Ille-et-Vilaine et le PREFAS Bretagne, Pôle de Recherche et d’Etudes pour la Formation et l’Action sociale. Des équipes d’intervenants sociaux ont été encouragés à mettre en œuvre des expérimentations dans le domaine de la prévention socio-éducative afin de limiter le recours au placement. Dans le but d’accompagner scientifiquement ces expérimentations, des groupes de recherche constitués de chercheurs (psychologie sociale, sciences de l’éducation, sociologie, géographie sociale) et de professionnels de la protection de l’enfance (assistants de service social, puériculteurs, éducateurs, chargés de mission, …) ont été mis en place.
Le constat de départ du groupe de recherche « Soutien aux parents en prévention et en protection » est le manque de connaissances sur les parents dont les enfants sont placés. Ce constat empirique est confirmé par l’analyse de la littérature scientifique. Les professionnels ont observé que les interventions concernant la protection de l’enfance avaient tendance à placer la focale sur la situation de l’enfant. L’énergie et le temps mobilisés à cet effet font parfois écran à l’utilité d’accorder plus d’attention aux parents et d’aller au-delà de la seule observation de leurs défaillances éducatives. Or, il apparait que, pour certaines situations, un accompagnement plus important des parents aurait pu permettre d’éviter le placement ou tout du moins limiter sa durée. Le groupe de recherche a ainsi défini deux objectifs : mieux connaitre les familles pour mieux les accompagner et faire évoluer les pratiques en matière d’évaluation des situations. Les investigations ont débuté par un travail d’analyse de 200 dossiers de familles dont les enfants sont placés. En s’appuyant sur des références théoriques en lien avec l’approche écosystémique, ce travail élaboré collectivement par les professionnels et les chercheurs a suivi différentes étapes : réalisation d’une grille de dépouillement des dossiers, sélection des 200 dossiers, saisie des informations, traitement et analyse des données.
Les résultats de cette enquête ont tout d’abord permis de préciser quelles étaient les compositions familiales dominantes et de chiffrer par exemple l’absence des pères (51% des familles concernées), les familles recomposées (12,5%) et la monoparentalité (44%). Les résultats confirment également une surreprésentation de la précarité en termes d’emploi, de revenus et de logement parmi ces familles. L’état de santé a également été questionné : il s’avère par exemple qu’une problématique de santé des parents a été notifiée dans 46% des dossiers et que celle-ci concerne majoritairement la santé psychique. Les autres résultats apportent des éléments d’analyse sur les liens conjugaux et sociaux des parents ou encore sur leurs rapports aux services sociaux.
L’enquête montre par ailleurs que les informations liées aux revenus des parents, à leur niveau d’étude, à leurs moyens de mobilité ou à leur enfance sont peu renseignées dans les dossiers. Plusieurs hypothèses ont été mises en avant afin d’expliquer ces absences d’informations : une approche plus centrée sur les défaillances éducatives que sur les contextes de vie, des professionnels soucieux de ne pas renforcer la stigmatisation de certaines catégories de population, des représentations personnelles pouvant parfois faire écran à une analyse objective ou encore des thématiques peu abordées de peur révéler sa propre impuissance. Suite à cette analyse quantitative, le groupe de recherche a présenté comme perspective de travail pour 2015-2016, une analyse plus qualitative, à travers des entretiens avec les parents en plaçant la focale sur les ressources des parents, terme qui reste à définir du fait de son caractère polysémique.

Bibliographie

BOUTANQUOI Michel (2006). Le nécessaire développement de la recherche autour du placement [en ligne], IN : Sociétés et jeunesses en difficulté, n°2, 4 p.

DELENS-RAVIER Isabelle (2001). Le placement d’enfants et les familles. Recherche qualitative sur le point de vue de parents d’enfants placés. Liège : Jeunesse et droit. 172 p.

LAROSE François, TERRISSE Bernard, LENOIR Yves, BEDARD Johanne (2004). Approche écosystémique et fondements de l’intervention éducative précoce en milieux socio-économiques faibles. Les conditions de la résilience scolaire [en ligne], IN : Brock Education, Vol. 13, n°2, pp. 56-80.

MINARY Jean-Pierre (2011). Contextes de vie, précarité et protection de l’enfance, IN : BOUTANQUOI Michel (coord.). Interventions sociales auprès de familles en situation de précarité, Paris : L’Harmattan (Collection Savoir et Formation), pp. 73-99.

ROUZEAU Marc, TERRIER Eugénie, DUCHESNE Martine et MAINGUET Brigitte (2013), Des Etats généraux de l’action sociale à la recherche-action : retour sur le processus collaboratif tissé entre le PREFAS Bretagne et le Conseil général d’Ille-et-Vilaine, Colloque international : Les recherches-actions collaboratives : une révolution silencieuse de la connaissance, 27-29 mai 2013, Dijon.

SECHER Régis (2010) Reconnaissance sociale et dignité des parents d'enfants placés. Parentalité, précarité et protection de l'enfance, Ed. L'Harmattan, 203 p.

SELLENET Catherine (2006). L’enfance en danger. Ils n’ont rien vu ? Paris : Belin. 236 p.

ZAOUCHE-GAUDRON Chantal (2011). Précarités et éducation familiale. Toulouse : ERES (Collection Poche – Société). 456 p.

Présentation des auteurs

Marion Dauvergne, éducatrice spécialisée, Département Ille-et-Vilaine

Catherine Greffeuille, formatrice, Askoria, Rennes

Didier Lucas, Assistant de service social, Département Ille-et-Vilaine

Eugénie Terrier, chargée de mission et de recherche, Askoria, Rennes et chercheur associé au laboratoire ESO-Rennes (Université de Rennes 2)

Communication complète

Contexte : la recherche en soutien à des expérimentations d’alternatives au placement
Cette communication présentera la dynamique de travail et les résultats d’un groupe de recherche qui s’est formé en 2012 dans le cadre d’une recherche-action partenariale entre le Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine et le PREFAS Bretagne, Pôle de Recherche et d’Etudes pour la Formation et l’Action sociale basé à Askoria, organisme de formation d’intervenants sociaux en Bretagne.
Quatre équipes de professionnels de CDAS ont mis en oeuvre des expérimentations visant à mettre en place des modes d’accompagnement alternatifs au placement. Ils sont partis de différents constats tels que le manque d’accompagnement global des familles en amont et pendant le placement ou encore les difficultés à mener les évaluations sociales lors de situations de crise ou d’urgence.
Afin d’accompagner et d’alimenter scientifiquement cette réflexion dans l’élaboration de nouvelles manières de faire, les groupes de recherche ont identifié différents objets qu’ils leur semblaient nécessaire d’investiguer. Ce groupe de recherche était constitué de professionnels de la protection de l’enfance du Département (assistants de service social, puériculteurs, éducateurs, chargés de mission, …) et de chercheurs de différentes disciplines (géographie sociale, psychologie sociale et sciences de l’éducation).

Problématique et méthodologie
Le constat de départ sur lequel s’appuie toute la dynamique de ce groupe de recherche est le manque de connaissances sur les parents dont les enfants sont placés. Ce constat empirique est confirmé par l’analyse de la littérature scientifique sur le sujet.
Les professionnels ont observé que les interventions concernant la protection de l’enfance avaient tendance à placer la focale sur la situation de l’enfant et le cas échéant sur sa « mise à l’abri ». L’énergie et le temps mobilisés à cet effet font parfois écran à l’utilité d’accorder plus d’attention aux parents de l’enfant et d’aller au-delà de la seule observation de leurs défaillances éducatives. Or, il apparait pour les professionnels que, pour certaines situations, un accompagnement plus important et plus global des parents aurait pu permettre d’éviter le placement ou tout du moins limiter sa durée. L’objectif d’améliorer l’accompagnement des parents concernés par le placement d’un ou plusieurs de leurs enfants renvoie inévitablement à la nécessité de mieux connaitre ces parents, leurs difficultés, leurs ressources et leur point de vue. Le groupe de recherche a ainsi défini deux objectifs principaux de travail : mieux connaitre les familles pour mieux les accompagner et observer et faire évoluer les pratiques professionnelles en matière d’évaluation des situations et d’association des parents.
Les investigations ont débuté par un travail conséquent d’analyse de 200 dossiers de familles dont les enfants sont placés. Ce travail élaboré collectivement par les professionnels et les chercheurs a suivi différentes étapes : réalisation d’une grille de dépouillement des dossiers, réalisation d’une notice d’accompagnement de la grille, sélection des 200 dossiers, saisie des informations, traitement des données et analyse des données.
Concernant la sélection des dossiers, les 200 dernières familles accompagnées (avant le 1er Juillet 2013) par les quatre équipes d’intervenants concernés par la recherche-action ont été retenues. Parmi ces 200 dossiers, certains placements étaient encore en cours et d’autres étaient terminés au moment de la saisie des données. Jugés trop spécifiques, les dossiers correspondant aux situations suivantes n’ont pas été retenus pour l’échantillon : les accueils séquentiels, les accueils provisoires du fait de l’incarcération de la mère, les jeunes majeurs, les accueils par un tiers digne de confiance et les Mineurs Isolés Etrangers.
La grille d’analyse des dossiers s’est appuyée sur l’approche écologique de type Bronfenbrenner, en prenant en compte toutes les influences pouvant agir sur le développement et le comportement de l’individu. Ce modèle écologique né dans les années 1970 est encore peu utilisé dans le domaine de la protection de l’enfance en France. Le questionnaire élaboré ne pouvait pas investiguer tous les sous-systèmes, mais le groupe s’est montré attentif à repérer des éléments par exemple de l’exosystème (travail ou non des parents), du mésosystème (logement et quartier), les réseaux d’aide, le chronosystème à partir de l’ancienneté des interventions.

Les parents qui vivent le placement de leur(s) enfant(s) : qui sont-ils ?
Une diversité des compositions familiales
L’enquête montre un taux important de séparation du couple parental : 63,5% des 200 familles de l’échantillon sont concernées. Par ailleurs, 12,5% de familles recomposées ont été identifiées dans l’échantillon (25 familles sur 200).
L’enquête montre que le père est absent du lieu de vie de l’enfant dans plus de la moitié des dossiers (51%) . L’analyse des 200 dossiers permet d’avoir peu d’informations sur les parents absents du lieu de résidence de leur enfant.
Les résultats mettent en évidence une surreprésentation de la monoparentalité parmi les familles accompagnées par l’ASE. 44 % des dossiers présentent des situations de familles monoparentales alors que ce taux était de 20% en 2011 parmi l’ensemble de la population du département. Il est à noter que cette situation de monoparentalité touche plus particulièrement les mères (37,5% de mères seules pour 6,5% de pères seuls). Toutefois, ce résultat ne doit pas être interprété sous l’angle d’un lien de cause à effet entre monoparentalité et placement de l’enfant. Il faut en effet rappeler ici la nécessaire vigilance à adopter par rapport aux relations de causalité entre deux variables. Une surreprésentation des familles monoparentales parmi les familles d’enfants confiés ne signifie pas que la monoparentalité est un facteur de maltraitance. Cela signifie que la monoparentalité peut représenter un facteur de risque s’il est associé à d’autres types de vulnérabilités. Les facteurs de risque souvent nombreux n’agissent pas individuellement mais plutôt par le biais d’interactions complexes. Selon le groupe de recherche, la monoparentalité représente un facteur de risque dans la mesure où elle s’accompagne parfois d’une situation d’isolement social liée par exemple à une rupture avec la famille d’origine. De même, l’absence de relais et de soutien pour garder les enfants que peuvent parfois connaitre les familles monoparentales engendre des difficultés dans la recherche d’un emploi, ou restreindre la possibilité de réaliser une formation.

Conditions matérielles d’existence : des situations socio-économiques défavorisées
Concernant la situation professionnelle des adultes s’occupant principalement de l’enfant confié à l’ASE, l’analyse des 200 dossiers permet de mettre en exergue une donnée importante : une forte proportion de ces adultes n’a pas d’activité professionnelle - 34 %– c’est-à-dire presque deux fois plus qu’au sein de la population totale du département (16%) .
Selon l’enquête, 27,5% des parents sont au chômage. Même si ce résultat doit être interprété avec précaution au vu du fort taux de non-réponse (24%) sur cette question, ces chiffres sont à considérer comme élevés étant donné que le taux de chômage pour la population totale de l’Ille-et-Vilaine est de 6,9% en 2011 . Sans établir de lien de cause à effet entre situation de chômage et placement de l’enfant, ces résultats montrent que la situation de chômage peut être considérée comme un facteur de vulnérabilité supplémentaire surtout s’il entraine ou s’associe à d’autres difficultés. Par exemple, le chômage peut avoir un impact sur la parentalité s’il engendre des difficultés financières importantes et un stress au quotidien.

Selon l’analyse des 200 dossiers, la migration internationale a concerné 19,5% des adultes vivant avec le mineur (soit 39 dossiers) . Ce taux peut être considéré comme élevé étant donné que la population immigrée représente 3,5 % de la population globale d’Ille et Vilaine . En analysant ce chiffre au sein du groupe de recherche, il est tout d’abord question du rapport culturel à l’éducation et des normes différenciées en la matière selon les milieux. Ainsi, certaines pratiques, pouvant être considérées comme acceptables dans leur milieu de socialisation, peuvent à l’inverse paraitre à risque pour les travailleurs sociaux. Les exemples suivants sont cités : jeunes enfants restant à l’extérieur tard le soir, absentéisme à l‘école, autonomisation précoce, « surpopulation » dans le logement, utilisation de la contrainte physique comme mode éducatif etc. Le groupe de recherche considère que la situation de migration peut représenter un facteur de risque s’il se combine avec d’autres types de vulnérabilité . Par exemple, le parcours de vie des personnes migrantes a pu être source de traumatismes qui viennent impacter leur relation à l’enfant. Les causes de leur départ du pays d’origine, la difficulté d’accès aux droits, la situation précaire dans laquelle ils peuvent parfois se retrouver en France, la rupture des liens avec leurs proches sont autant d’éléments pouvant rendre l’arrivée des migrants en France difficile voire chaotique. Un professionnel témoigne : « Les blessures du voyage, la famille qu’on a laissée derrière soi, l’expérience de conflits armés créent souvent des personnes abîmés psychiquement ».



Des fragilités individuelles aux difficultés relationnelles
Concernant la santé des adultes s’occupant principalement de l’enfant, une problématique de santé a été notifiée dans 46 % des dossiers. Notons que, lorsqu’une problématique santé est repérée par les professionnels, celle-ci est majoritairement liée à la santé psychique des adultes.
Pour autant, seulement 20% des dossiers font état d’un accompagnement vis-à-vis de la santé des parents.
41% des dossiers mentionnent des difficultés liées à des troubles au sein du couple conjugal ou parental, 21% relèvent des cas de violence verbale ou psychologique envers la conjointe ou le conjoint, et 17,5% des cas de violence physique et/ou sexuelles envers la conjointe ou le conjoint.


Des personnes déjà accompagnés par les services sociaux

Concernant l’accompagnement social ou médico-social des adultes, 76,5% des dossiers mentionnent l’existence d’un accompagnement social ou médico-social en cours pour au moins un des adultes vivant avec le mineur. Ces accompagnements concernent l’éducation des enfants, les finances et/ou gestion budgétaire, le logement ou la santé.


Conclusion : un regard sur les pratiques évaluatives
L’analyse des 200 dossiers a montré que plusieurs thématiques étaient peu renseignées :
• 58% des dossiers ne précisent pas le revenu disponible du ménage
• 85% des dossiers ne précisent pas le niveau d’étude du ou des parents.
• La mobilité : 58 % des dossiers ne précisent pas si le parent est titulaire du permis de conduire et 53% des dossiers ne précisent pas si le parent possède une voiture.
• L’enfance des parents – le vécu d’un placement par le parent lui-même : environ la moitié des dossiers ne permet pas de savoir si le parent a vécu ou non un placement au cours de son enfance.
• Les parents non-cohabitant avec l’enfant : les dossiers mentionnent peu d’informations sur les parents non cohabitant avec l’enfant
Plusieurs hypothèses ont été mises en avant afin d’expliquer ces absences d’informations : le temps de l’évaluation mis à mal par la recherche chronophage d’un lieu d’accueil pour l’enfant, une approche plus centrée sur les défaillances éducatives que sur les contextes de vie, des professionnels soucieux de ne pas renforcer la stigmatisation de certaines catégories de population, des représentations personnelles pouvant parfois faire écran ; des thématiques peu abordées de peur de révéler sa propre impuissance, des sujets douloureux qui risqueraient de détériorer la relation avec le parent.
Suite à cette analyse quantitative, le groupe de recherche a présenté comme perspective de travail, une analyse plus qualitative, à travers des entretiens avec les parents et en centrant davantage la focale sur les ressources, terme qui reste à définir du fait de son caractère polysémique (capacités, compétences, réseaux, ressources environnementales, etc.)

Résumé en Anglais


Non disponible