Fiche Documentaire n° 5707

Titre Intervention participative auprès les familles à risque ou en contexte de négligence

Contacter
l'auteur principal

Auteur(s) MIQUELON NADIA  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

Résumé | Bibliographie | Les auteurs... | Article complet | PDF (.fr) | Résumé en anglais | PDF .Autre langue | Tout afficher

Résumé

Intervention participative auprès les familles à risque ou en contexte de négligence

La littérature scientifique démontre que la maltraitance durant l’enfance peut amener plusieurs conséquences à court et à long terme, notamment sur les plans socioaffectif, cognitif, comportemental, neurobiologique et physique (Petitpas et al, 2006). De plus, les impacts de la maltraitance sont plus importants si elle survient tôt dans la vie de l’enfant ou si elle est récurrente (Gouvernement du Québec, 2022).

Avant de démarrer le projet FORCES, nous avons remarqué une augmentation importante de la prise en charge des enfants par les services de protection de la jeunesse pour motif de négligence (Gouvernement du Québec, 2020). Pour expliquer cette situation, nous émettions alors l’hypothèse que le manque de concertation entre les différents acteurs du réseau local de service ainsi que la détection non harmonisée de la négligence en bas âge pouvaient être des facteurs augmentant cette tendance. De plus, nous avions observé une méfiance de la clientèle envers les services offerts par le réseau de la santé et des services sociaux, ce qui impacte nécessairement la rétention de celle-ci dans les programmes offerts en matière de prévention de la négligence. Il s’avérait donc nécessaire de renforcer les services de proximité et ceux du réseau local de service afin de mieux répondre aux besoins des usagers et des familles.

L’équipe s’est donné comme mandat d’intervenir de façon concertée avec les familles par le biais de l’utilisation de l’approche participative en impliquant les organismes de la communauté et un usager-partenaire. Des ateliers de croisement de savoirs ont émergé un modèle de rencontres de concertation visant la participation des familles a été expérimenté. Nous émettions alors l’hypothèse que ces concertations permettraient d’établir une vision commune des situations, une meilleure participation de la famille ainsi qu’un meilleur partage des responsabilités entre les acteurs impliqués afin d’améliorer les conditions de vie des familles en situation de négligence et ainsi éviter une prise en charge légale en protection de la jeunesse.

Dans le cadre de l’expérimentation, l’analyse des résultats révèle que les parents ont tous vécu cette rencontre de manière positive et n’ont soulevé aucun élément négatif. Ils considèrent avoir été écoutés et impliqués. Les résultats montrent également un effet positif des concertations sur le suivi des intervenants déjà en interaction auprès de la famille et ceux présents à la rencontre et cohérents avec les écrits sur l’importance du lien entre le parent et l’intervenant. Les familles utilisent davantage les services, la méthodologie employée permet une rencontre dans un climat détendu et favorise une communication efficace et semble permettre une plus grande adhésion aux services. À cet égard, l’analyse des résultats révèle que les partenaires, les professionnels et les gestionnaires ont eu une expérience très positive de leur rencontre de concertation, considérée à 94% utile.

Les ateliers de croisement des savoirs et le travail collaboratif ont permis la mise en place d’une façon d’intervenir différente, qui tient compte des interventions soulevées dans la revue de la littérature. Afin d’avoir des résultats optimaux auprès des familles à risque ou en contexte de négligence, l’intervention doit passer par un échange collectif, basé sur l’identification par le parent des cibles à prioriser, du développement du lien avec ce dernier, d’une intervention familiale et d’une participation active de la famille. Cela a pour impact la modification de la perception du rôle des intervenants et propose un partage des responsabilités avec l’entourage, en ayant pour finalité d’améliorer les conditions de vie des familles qui sont en contexte de négligence. La généralisation de cette pratique contribuera potentiellement l’amélioration des pratiques auprès des familles en contexte de négligence et ultimement à la réduction des pratiques parentales négligentes.

Bibliographie

Gouvernement du Québec. (2022). Conséquences à court et à long terme de la maltraitance. Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/rapport-quebecois-sur-la-violence-et-la-sante/la-violence-et-la-maltraitance-envers-les-enfants/consequences-court-et-long-terme-de-la-maltraitance

Gouvernement du Québec. (2020). Bilan des directeurs de la protection de la jeunesse/directeurs provinciaux 2020, Plus forts ensemble. Repéré à https://www.ciussscapitalenationale.gouv.qc.ca/sites/d8/files/docs/NosServices/Jeunesse/BILAN_DPJ_2020_version_web.pdf

Petitpas, J., Pauzé, J., Julien, C. (2019). Recension des écrits sur à la négligence, les conséquences possibles sur les enfants et sur les interventions. Québec, Qc : Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale/Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles/Université Laval

Présentation des auteurs

Monsieur Louis-Philippe Émond, adjoint à la direction de la Direction de la protection de la jeunesse
Madame Caroline White, coordonnatrice des services spécifiques de la Direction de la protection de la jeunesse
Nadia Miquelon, coordonnatrice professionnelle à la direction jeunesse de la Direction de la protection de la jeunesse

Communication complète

Cet article présente une étude de cas de la mise en place des rencontres de concertation auprès de familles négligentes suivies par la protection de la jeunesse et le programme-services jeune en difficulté suivies par Élan-Famille 2.0. L’hypothèse émise est que l’établissement du mécanisme de concertation, lors d’une intervention interdisciplinaire et intersectorielle basée sur une approche participative, contribuera positivement à l’utilisation des services offerts aux familles, en raison notamment d’une perception plus positive de celles-ci à du rôle des intervenants. L’étude permet de décrire et d’explorer cette façon de faire dans un contexte réel d’interaction entre des familles, par les observations et données recueillies avant, pendant, et après la rencontre.

Échantillon. Les quatre familles faisant partie de cette étude de cas reçoivent des services pour négligence ou risque de négligence du CIUSSS-CN. Deux reçoivent des services dans le cadre de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS), une dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), et une dans le cadre de la Loi sur la santé et les services sociaux (LSSSS) et de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Toutes sont suivies par Élan-Famille 2.0. Pour les familles recevant des services dans le cadre de la LSSSS, le risque de négligence a été identifié par le biais de l’outil « Aide à la référence des situations vers Élan-Famille 2.0 » (Appendice A). Pour les familles recevant des services dans le cadre de la LPJ, le motif de prise en charge est la négligence ou le risque sérieux de négligence (article 38b) ou les mauvais traitements psychologiques (38c).

Les familles retenues ont en moyenne 3 enfants, dont l’âge moyen est 6 ans. Deux d’entre elles sont des familles biparentales intactes et deux sont monoparentales. Ces familles résident dans le quartier Basse-Ville de la ville de Québec, territoire ciblé pour une première phase d’expérimentation en raison du plus haut nombre d’enfants pris en charge pour de la négligence ou risque sérieux de négligence sur le territoire du CIUSSS-CN.

Procédure. Dans les pratiques courantes, les rencontres entre la famille et leur intervenant sont centrées sur la sécurité et la gestion du risque, sur l’enfant considéré comme le client, et sur les limites et les déficits des parents. Dans une approche davantage hiérarchique et bureaucratique, Lessard, Chamberland et Léveillé (2007) indiquent que le savoir des parents est moins considéré que celui des professionnels. Toujours selon les auteurs, il est constaté un fonctionnement en silo. Afin d’être cohérent avec les meilleures pratiques et spécifié précédemment, les rencontres de concertations sont un mécanisme qui est proposé par Élan-Famille 2.0.

Rencontre de concertation. À la lumière de la recension des écrits en négligence (Petitpas et al., 2019), l’équipe responsable de la coordination du projet en négligence s’est donné comme mandat d’intervenir de façon concertée avec les familles par le biais de l’utilisation de l’approche participative, en impliquant les organismes de la communauté dans laquelle la famille évolue. En plus du travail fait avec la communauté, la concertation Élan-Famille 2.0 tient compte des cibles à prioriser en négligence en faisant participer la famille, et en favorisant l’établissement du lien significatif entre les parents et l’intervenant. L’équipe émet l’hypothèse que l’établissement du mécanisme de concertation, dans une intervention interdisciplinaire et intersectorielle basée sur une approche participative, peut contribuer positivement à l’utilisation des services à la disposition de la famille. Cela a pour impact la modification de la perception du rôle des intervenants, et propose un partage des responsabilités avec l’entourage, en ayant pour finalité d’améliorer les conditions de vie des familles qui sont en contexte de négligence.

Les rencontres de concertation sont basées sur les principes suivants : d’abord, la rencontre est centrée sur les besoins des enfants puisque sa sécurité et son développement sont au cœur des préoccupations. Ces besoins ont un impact sur le fonctionnement familial et sur le parent, qui sont inévitablement abordés. Par exemple, un enfant qui manifeste un trouble d’adaptation a des répercussions sur le fonctionnement familial : le parent peut souhaiter être supporté pour avoir du répit et de l’aide d’un éducateur. La rencontre traitera donc du besoin de l’enfant, et des autres besoins qui en découlent. Les rencontres de concertations sont également basées sur le principe que chaque membre d’une famille et son système possède des forces : elles se font avec le fondement que tous ont le pouvoir de résoudre les problèmes. Inclusive, la concertation Élan-Famille 2.0 souhaite que le parent implique les gens significatifs pour lui, et non professionnels, dans chacune de ces rencontres. Enfin, le parent a le plein pouvoir sur les sujets abordés, sur les invités, sur le lieu et le moment de la rencontre, et sur le choix des solutions.

La concertation Élan-Famille 2.0 réunit, dans un lieu et au moment choisi par le parent, les intervenants, partenaires, et personnes significatives qui gravitent autour de la famille, et pour lequel il a donné son consentement. Un conjoint, un voisin, un ami peuvent se joindre à cette rencontre afin de la supporter dans sa situation actuelle. Avant la tenue de la rencontre, et avec l’aide de l’intervenant, le parent identifie ce qui le stresse le plus dans son rôle de parent, et pour lequel il souhaite que sa situation s’améliore. Ces besoins deviennent les sujets de la rencontre, présentés par le parent lui-même ou un invité désigné par le parent. L’animateur est une personne neutre qui, avec le consentement du parent, invite des organismes communautaires du quartier qui pourrait la soutenir dans les besoins identifiés. Durant la rencontre, le parent est le participant le plus actif : il partage ses principaux besoins, identifie ce qu’il a déjà tenté par le passé afin d’y remédier, et qui parmi les gens présents pourrait le soutenir. L’animateur a un rôle de facilitateur d’échanges. À la fin de la rencontre, l’animateur dresse un bilan de ce que le parent souhaite recevoir comme service, et qui durant la rencontre a été désigné afin de la supporter. Tous connaissent leur rôle et ce qui est attendu d’eux. L’équipe a porté l’ensemble de la démarche de communication, planification, d’organisation, d’animation, et d’évaluation en tant que chargée de projet Élan-Famille 2.0. Elle possède près de vingt ans de pratique auprès de la clientèle prise en charge par la protection de la jeunesse, dans une intervention directe auprès des familles, et a participé au développement du programme-cadre en négligence du CIUSSS-CN au cours des deux dernières années. L’ensemble de ces expériences lui permettent de bien saisir le contexte dans lequel les familles et les intervenants évoluent.

Indicateurs de réussite et mesure

Des indicateurs ont été ciblés afin de s’assurer de l’atteinte des résultats visés par la rencontre de concertation.

• Le nombre d’interventions réalisées par l’intervenant dans les 3 mois précédents la rencontre afin de connaître le niveau d’adhésion de la famille avant l’utilisation de la concertation ;

• Le nombre d’interventions réalisées dans les 3 mois suivants la rencontre de concertation afin de connaître le niveau d’adhésion de la famille suite à l’utilisation de la concertation;

• L’utilisation ou non des services des partenaires présents lors de la concertation dans les 3 mois suivant la rencontre de concertation afin d’identifier si l’implication des partenaires a eu un impact pour la famille;

• La prise en charge ou non par la protection de la jeunesse (étape application des mesures) suivant la rencontre de concertation afin d’identifier si rencontre de concertation et l’utilisation des partenaires a pu permettre à la famille de mettre davantage de facteurs de protection et éviter la détérioration de leur situation ;

• L’expérience vécue par les usagers, les partenaires, les professionnels et les gestionnaires.

Deux types de cueillette de données ont été utilisés. D’abord, afin de faire un portrait des familles utilisatrices, il y a eu dénombrement à l’aide du registre de l’animateur afin de connaitre le nombre de consultations avec les professionnels, les besoins identifiés par les familles, et le nombre de partenaires qui a participé aux rencontres. Afin de recueillir quelques données statistiques liées au nombre d’interventions pré et post rencontre, l’utilisation des partenaires par la famille, et le passage ou non à l’application des mesures dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse, les données du logiciel PIJ et SIC PLUS ont été utilisées. Les autres données recueillies sont les questionnaires administrés aux usagers, aux partenaires, aux professionnels et aux gestionnaires lors des rencontres, qui visent à connaitre l’expérience vécue par l’ensemble des participants lors des rencontres de concertation.

Effets des indicateurs quantitatifs. Le tableau 1 (Appendice B) présente les éléments concernant le nombre d’enfants par famille ainsi que le nombre par tranche d’âge, les principaux éléments de stress identifiés par les parents avant la rencontre, le milieu de provenance des participants, ainsi que leur nombre. Le tableau 2 (Appendice C) présente les résultats concernant les indicateurs de réussite, soit le nombre de rencontres suite à la participation à la concertation, le nombre de services utilisés par les partenaires présents lors de la rencontre, et la prise en charge ou non par la protection de la jeunesse. Ainsi, le nombre d’interventions réalisées par l’intervenant avant et après la rencontre, le nombre de partenaires utilisés par la famille avant et après la rencontre, et la situation des familles concernant l’implication de la protection de la jeunesse ont été documentés

Effets des indicateurs qualitatifs. Afin d’évaluer l’expérience du personnel et des parents qui ont assisté aux rencontres de concertation, un court questionnaire a été rempli. Deux questionnaires ont été remplis, un pour les partenaires et les professionnels, et l’autre pour les parents. Les partenaires, les professionnels et les parents qui ont assisté aux rencontres de concertation d’octobre 2020 à mars 2021 ont été invités à répondre à ce questionnaire sur la plateforme SurveyMonkey.

Volet des parents. Au total, 6 parents ont répondu au questionnaire, et ont eu niveau total d’accord pour l’ensemble des énoncés. Ils indiquent que la diversité des intervenants de différents milieux, la communication facile, la dynamique de l’équipe, et le sentiment d’être écoutés, impliqués et entourés sont les éléments qui ont aidé à la rencontre. Les résultats indiquent qu’ils ont tous vécu cette rencontre de manière positive et n’ont soulevé aucun élément négatif. Un parent souhaite d’ailleurs avoir une seconde rencontre. En ce sens, ils sont tous très satisfaits et considèrent avoir eu suffisamment d’explications sur cette rencontre, avoir été écoutés, et impliqués.

Volet des professionnels. L’analyse des résultats révèle que les partenaires et les professionnels ont eu une expérience très positive de leur rencontre de concertation. À cet égard, la grande majorité juge que cette rencontre a été très utile, avec un score moyen de 94 %. Les plus grandes forces des rencontres soulevées sont le climat d’entraide et de collaboration entre les divers acteurs, le déroulement de la rencontre qui facilite le travail d’équipe et le respect des rôles et responsabilités de chacun, une communication efficace, et l’implication des diverses ressources incluant l’usager. Concernant l’animation des rencontres, les aspects à améliorer sont la connaissance du dossier de la famille avant de débuter la rencontre, élément soulevé par ceux des intervenants des organismes communautaires, et la durée de la rencontre

Discussion. Les résultats suggèrent que les rencontres de concertation Élan-Famille 2.0 permettent une meilleure adhésion des familles aux services qui leur sont offerts, malgré la complexité de leur situation et la présence de nombreux facteurs de risque. Les résultats mettent également en évidence que ce type de rencontre favorise le pouvoir d’agir aux parents, notamment, dans l’identification des cibles à prioriser. Cette façon de faire permet également de développer l’alliance thérapeutique avec l’intervenant pivot déjà en place, puisque le parent comprend l’objectif réel de travail. L’étude de cas permet de relever une diversité de pistes d’intervention pouvant contribuer au partenariat en s’actualisant à plusieurs niveaux : au niveau de la pratique, de l’organisation des services, et de l’élaboration des différentes politiques.

Conclusion. Les ateliers de croisement des savoirs et le travail collaboratif ont permis la mise en place d’une façon d’intervenir différente, qui tient compte des interventions soulevées dans la revue de la littérature. Afin d’avoir des résultats optimaux auprès des familles à risque ou en contexte de négligence, l’intervention doit passer par un échange collectif, basé sur l’identification par le parent des cibles à prioriser, du développement du lien avec ce dernier, d’une intervention familiale et d’une participation active de la famille. Cela a pour impact la modification de la perception du rôle des intervenants et propose un partage des responsabilités avec l’entourage, en ayant pour finalité d’améliorer les conditions de vie des familles qui sont en contexte de négligence. La généralisation de cette pratique contribuera potentiellement l’amélioration des pratiques auprès des familles en contexte de négligence et ultimement à la réduction des pratiques parentales négligentes

Résumé en Anglais


Non disponible