Fiche Documentaire n° 5905

Titre Prévention spécialisée et libre adhésion : la parole des personnes concernées à l'origine de l'intervention

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Auteur(s) DEPAUX-VILLOTA Damien  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Prévention spécialisée et libre adhésion : la parole des personnes concernées à l'origine de l'intervention

Le travail social n’a cessé d’évoluer au fil des transformations opérées dans les populations et n’a pas fini de se réinventer face aux phénomènes sociaux émergents. Des problématiques nouvelles apparaissent, rencontrées en premier lieu par les publics, auxquelles les travailleurs sociaux sont confrontés et sur lesquelles les chercheurs se penchent afin d’en théoriser mécaniques et rouages. Le recueil et le croisement des données concernant ces évolutions permettent de légiférer de nouveaux cadres réglementaires et/ou d’en modifier certains, déjà existants, mais estimés en voie d’obsolescence, avec pour volonté d’apporter une réponse aux inadaptations.

Plusieurs lois sont apparues successivement, venant règlementer l’intervention sociale avec pour ambition de renforcer ce pouvoir d’agir, loi du 2 Janvier 2002 dite « Loi cadre » en tête. Ces cadres juridico-légaux et leurs outils, censés apporter une amplitude dans les décisions à prendre, offrir à la personne accompagnée davantage d’emprise sur son sort, donnent parfois l’impression de s’enfermer dans un processus restreint et contraint.
Le temps institutionnel n’est pas toujours le même que le temps de la personne, l’un visant à produire du résultat, l’autre recherchant efficacité et adaptation. Le délai peut amener à créer de l’urgence lorsque ces deux durées viennent se heurter, télescopant les envies et les besoins, lissant les aspirations, pour une finalité partiellement satisfaisante pour la personne accompagnée comme pour le professionnel ou l’institution.

La Prévention Spécialisée, semble échapper un peu plus que d’autres à ce « carcan » juridico-administratif et semble plus propice à placer la personne concernée en situation de s’impliquer dans la transformation sociale, de lui donner du sens et d’en être un acteur. Une des forces de ce champ d’intervention réside dans le principe de libre adhésion, permettant de respecter le rythme des personnes, de travailler sur le long terme, favorisant le sentiment de prise en compte et de considération inconditionnelle. Nous nous trouvons dans un cas où non seulement le recueil de la parole, mais également l’analyse de l’identité d’un public sont des composantes fondamentales de la phase d’élaboration des formes d’intervention.

L’action d’un travailleur social en prévention spécialisée s’articule principalement autour de trois axes : le travail de rue, les projets collectifs et l’accompagnement personnalisé. A différents niveaux, dans chacun de ces trois axes, la personne concernée est au centre de l’action. Nous allons maintenant voir, en détaillant ces trois composantes, à quel point le jeune accompagné est le principal acteur, en quelle mesure la place du public est essentielle : en prévention spécialisée, si la personne n’est pas l’élément moteur, il n’y pas d’intervention sociale.

Selon la nature de la demande, l’éducateur de rue pourra inviter les personnes à remonter d’elles-mêmes l’expression de leurs envies ou besoins par une aide à l’identification des partenaires associatifs et institutionnels compétents et par une orientation vers l’interlocuteur concerné. S’il est question de revendications par exemple, il peut en rediriger les porteurs vers les conseils citoyens. Il peut aussi se faire lui-même messager auprès de la municipalité en relayant une proposition d’activité aux services Jeunesse ou Culture, fort de sa bonne connaissance et de son étroite collaboration avec certains pôles de la Ville. Dans d’autres situations, il peut soutenir un groupe de personnes, servir d’étai à leur projet, sans jamais le porter à part entière ou de manière définitive. C’est ainsi que les professionnels de exerçant en présence sociale peuvent encourager la création d’associations de quartier, par exemple.

Parfois, des initiatives peuvent naître de besoins repérés par les professionnels de l’intervention sociale et des projets sont alors élaborés avec pour ambition que la population s’en empare. C’est le cas par exemple de « La Maison D’La Bécane » à Hérouville Saint-Clair, tiers-lieu créé à la base suite à un grand nombre d’infractions constaté concernant les deux-roues motorisés : véhicules non-homologués, défaut d’assurance, non-respect du code de la route. De la philosophie non-répressive de la prévention spécialisée et de l’approche humaniste, sociologique et analytique qui la caractérise est venue cette idée d’ouvrir un lieu ressource contribuant à réduire la problématique observée. Ainsi naquit ce tiers-lieu dédié à l’aide à la réparation, à l’information autour des démarches administratives, basé sur des principes d’entraide, d’échange de savoirs, de mise en commun de compétences.

Bibliographie

- Lazerges Christine, « La prévention de rue : un outil de protection de l'enfant et de l'adolescent », Archives de politique criminelle, 2010/1 (n° 32), p. 141
- « Guide international sur la méthodologie du travail de rue à travers le monde ». Ouvrage collectif, Réseau International des Travailleurs Sociaux de Rue et Dynamo International. Avec le soutien du programme PROGRESS, de la Commission Européenne et de la Direction Générale de la Coopération au Développement Belge. Depôt légal SS-413-2009
- Projet associatif 2017/2022 de l’ « Association Quartiers Jeunes » à Hérouville Saint-Clair (14), France
- Cours Magistral de Catherine Carré, systémicienne enseignant à l’IRTS Normandie-Caen (14), France

Présentation des auteurs

Damien DEPAUX-VILLOTA a exercé dans plusieurs champs d'intervention (Handicap, Protection Judiciaire de la jeunesse, Insertion, ...) auprès de plusieurs publics (personnes en situation de handicap psychique, de déficience intellectuelle, mineurs sujets à des Troubles de la Conduite et du Comportement, mineurs ayant posé des actes de délinquance sous main de Justice, Mineurs Non Accompagnés ou encore familles en situation d'exil).

Depuis 2018, il est coordinateur de projets au sein d'une structure de Prévention Spécialisée, l'"Association Quartiers Jeunes", à Hérouville Saint-Clair.

Parallèlement à cela, il a pu prendre part à des processus de Dispositif Locaux d'Accompagnement et de conception des Projets Associatifs au sein de différentes structures.

En 2019, il intègre l'effectif de formateurs vacataires de l'IRTS Normandie-Caen, en dirigeant des travaux de groupes d'un module s'inscrivant dans le Domaine de compétence 2, portant sur la Méthodologie de Projet.

En 2020, l'opportunité de diversifier son activité de formateur se présente et il rejoint l'équipe du Domaine de Compétence 3 en animant un module sur la communication écrite professionnelle et en accompagnant la rédaction des écrits de certifications auprès de groupes d'étudiants de 3ème année du Diplôme d'Etat.

En 2021, il devient juré des épreuves écrites et orales de certification et correcteur des travaux formatifs écrits de validation de semestres.
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​Pour 2022, il souhaite contribuer à la Recherche en Intervention Sociale​ et poursuivre de rétribuer son expérience au moyen de publications et de communications dans des revues, congrès, colloques, séminaires...

Communication complète

Prévention spécialisée et libre adhésion : la parole des personnes concernées à l'origine de l'intervention



I) INTRODUCTION

Le travail social n’a cessé d’évoluer au fil des transformations opérées dans les populations et n’a pas fini de se réinventer face aux phénomènes sociaux émergents. Des problématiques nouvelles apparaissent, rencontrées en premier lieu par les publics, auxquelles les travailleurs sociaux sont confrontés et sur lesquelles les chercheurs se penchent afin d’en théoriser mécaniques et rouages. Le recueil et le croisement des données concernant ces évolutions permettent de légiférer de nouveaux cadres réglementaires et/ou d’en modifier certains, déjà existants, mais estimés en voie d’obsolescence, avec pour volonté d’apporter une réponse aux inadaptations.



Plusieurs lois sont apparues successivement, venant règlementer l’intervention sociale avec pour ambition de renforcer ce pouvoir d’agir, loi du 2 Janvier 2002 dite « Loi cadre » en tête. Celle-ci vient réaffirmer la place de la personne accompagnée au centre de son projet d’accompagnement en tant qu’acteur. Ces notions, matérialisées par la création d’outils, ont pour vocation de s’assurer que chaque personne accueillie dans les institutions sociales et médico-sociales puisse bénéficier des mêmes conditions et de réduire au maximum le recours à des pratiques en marge. On peut également y voir une volonté de contrôle des dépenses publiques en demandant aux associations percevant des subventions d’Etat de justifier de leurs actions. Un contexte qui en appelle à la créativité et à l’inventivité des professionnels pour éviter une forme d’uniformisation des pratiques, qui n’est pas toujours souhaitable, dans un cadre plus restreint offrant moins de marge de manœuvre.



Cette réforme, ainsi que plusieurs avancées juridico légales dans les différents champs d’intervention au niveau national viennent parfois se heurter à d’autres réalités à l’échelon des Régions et Départements, qui rendent difficilement effective l’égalité de traitement visée. Un fonctionnement basé sur des réponses à des appels à projets, créant non seulement une mise en concurrence des établissements mais fragilisant aussi leur pérennisation, ne permet pas toujours de fonctionner de manière optimale. Il est parfois nécessaire de s’adapter aux conditions requises par ces appels à projet plus qu’aux besoins réels des personnes, par souci d’équilibre financier.



Ces cadres réglementaires et leurs outils, censés apporter une amplitude dans les décisions à prendre, offrir à la personne accompagnée davantage d’emprise sur son sort, donnent parfois l’impression de s’enfermer dans un processus restreint et contraint. Le temps institutionnel n’est pas toujours le même que le temps de la personne, l’un visant à produire du résultat, l’autre recherchant efficacité et adaptation. Le délai peut amener à créer de l’urgence lorsque ces deux durées viennent se heurter, télescopant les envies et les besoins, lissant les aspirations, pour une finalité partiellement satisfaisante pour la personne accompagnée comme pour le professionnel ou l’institution.



La Prévention Spécialisée, semble échapper un peu plus que d’autres à ce « carcan » juridico-administratif et semble plus propice à placer la personne concernée en situation de s’impliquer dans la transformation sociale, de lui donner du sens et d’en être un acteur. Une des forces de ce champ d’intervention réside dans le principe de libre adhésion, permettant de respecter le rythme des personnes, de travailler sur le long terme, favorisant le sentiment de prise en compte et de considération inconditionnelle.



Nous nous trouvons dans un cas où non seulement le recueil de la parole, mais également l’analyse de l’identité d’un public sont des composantes fondamentales de la phase d’élaboration des formes d’intervention. Nous allons maintenant voir à quel point le jeune accompagné est le principal acteur, en quelle mesure la place du public est essentielle : en prévention spécialisée, si la personne n’est pas l’élément moteur, il n’y pas d’intervention sociale.



II ) TRAVAIL DE RUE ET PRESENCE SOCIALE : L’« ALLER-VERS »

Contrairement à une grande majorité des pratiques que l’on rencontre dans le travail social, où le public pénètre l’enceinte de l’institution pour y être accompagné, c’est dans ce cas l’association de prévention (par ses représentants) qui investit l’espace vital du public cible. Les éducateurs de rue se rendent au cœur son environnement, où les interactions et les relations instaurées ont pour uniques supports de médiation les lieux et les personnes.



Ayant pour objectif de déceler de potentielles inadaptations sociales ou manifestations de l’invisible institutionnel, le travail de rue consiste avant tout à être en veille et à faire part d’une disponibilité. La rencontre, l’écoute, la prise en compte et l’échange viennent ensuite, dans le but de créer un lien social avec les jeunes et les habitants du territoire d’intervention. Un lien social qu’il s’agit d’étoffer, de renforcer, d’entretenir, pour s’il y a lieu tendre vers une (ré)introduction de lien civil avec les structures de droit commun.



Il en revient alors aux professionnels d’informer sur l’existant, de présenter les ressources mobilisables, mais aussi d’encourager les dynamiques citoyennes et la mise en relation de réseaux primaires… Les jeunes concernés peuvent choisir ou non de s’en saisir. Certains ne se sentent pas prêts, d’autres n’ont pas envie ou n’expriment pas le besoin de passer par l’éducateur de prévention pour faire face à leurs difficultés.



A ce stade déjà, alors qu’on ne parle pas encore d’accompagnement à proprement parler, le jeune ou la personne a le choix de son implication dans l’action éducative et peut décider de son degré d’implication.



a) Orientation vers l’existant

Selon la nature de la demande, l’éducateur de rue pourra inviter les personnes à remonter d’elles-mêmes l’expression de leurs envies ou besoins par une aide à l’identification des partenaires associatifs et institutionnels compétents et par une orientation vers l’interlocuteur concerné. S’il est question de revendications par exemple, il peut en rediriger les porteurs vers les conseils citoyens. Il peut aussi se faire lui-même messager auprès de la municipalité en relayant une proposition d’activité aux services Jeunesse ou Culture, fort de sa bonne connaissance et de son étroite collaboration avec certains pôles de la Ville.



b) Encourager les dynamiques d’initiative

Dans d’autres situations, il peut soutenir un groupe de personnes, servir d’étai à leur projet, sans jamais le porter à part entière ou de manière définitive. C’est ainsi que les professionnels exerçant en présence sociale peuvent encourager la création d’associations de quartier, par exemple. À Hérouville Saint-Clair, dans un quartier plus spécifiquement, il a pu être constaté que de plus en plus de jeunes pratiquaient – consciemment ou non – la revendication spatiale , témoignaient se sentir laissés-pour-compte et ne plus rien attendre des institutions, tandis que cette situation pouvaient créer une sorte de malaise et d’incompréhension auprès des générations plus anciennes. Un fossé se creusait, une distance ne cessait d’augmenter.



Au moyen de passages récurrents, d’entrées en contacts régulières, de dialogue avec ces jeunes, mais également avec les habitants hors tranche d’âge du public ciblé par les associations et clubs de prévention spécialisée, un rapprochement a pu avoir lieu sur le plan des ressentis. L’une et l’autre des parties, pouvant sembler opposées ou en désaccord, se rejoignaient finalement sur le fait que « le quartier en perd au niveau animation, le quartier se meurt ». L’ensemble des habitants, chacun à sa manière, ressentait un vide, un manque. C’est à partir de ce point de départ que les éducateurs de rue ont pu inviter ces personnes à impulser de nouvelles dynamiques, relancer l’implication dans les collectifs de parents, dans les associations de quartiers, en créer de nouvelles…



Les nouvelles générations se sont responsabilisés en acceptant de se réunir en association pour disposer en autonomie d’un local partagé, les plus anciens ont quant a eux repris l’organisation de repas entre voisins, en plein-air. Et ces différentes entités sont par la suite amenées à se côtoyer, œuvrer ensemble lors d’évènements, tout cela pour contribuer à redonner vie à un quartier qu’ils pensaient abandonnés, sans avoir conscience qu’ils avaient à leur niveau les moyens de l’animer.





c) Analyse sociodémographique et création

Parfois, des initiatives peuvent naître de besoins repérés par les professionnels de l’intervention sociale et des projets sont alors élaborés avec pour ambition que la population s’en empare. Comme évoqué précédemment, les projets, en prévention spécialisée, n’ont pas vocation à être institutionnalisés et il n’est pas souhaitable qu’ils demeurent à l’état de dispositifs conduits à part entière par les travailleurs sociaux.



C’est le cas par exemple de « La Maison D’La Bécane » à Hérouville Saint-Clair, tiers-lieu créé à la base suite à un grand nombre d’infractions constaté concernant les deux-roues motorisés : véhicules non-homologués, défaut d’assurance, non-respect du code de la route...



De la philosophie non-répressive de la prévention spécialisée et de l’approche humaniste, sociologique et analytique qui la caractérise est venue cette idée d’ouvrir un lieu ressource contribuant à réduire la problématique observée. Ainsi naquit « La Maison D’La Bécane » dédiée à l’aide à la réparation, à l’information autour des démarches administratives, basées sur des principes d’entraide, d’échange de savoirs, de mise en commun de compétences.



Ce lieu, équipé en matériel et outillage mécanique, proposait au moyen d’une adhésion annuelle de 10€, un accès à l’espace garage et les conseils d’un technicien moniteur d’atelier. Y étaient proposées 4 à 5 fois dans l’année des sessions d’une semaine permettant à des jeunes d’obtenir le permis AM, tout en apprenant les bases de l’entretien et du dépannage des véhicules deux roues-motorisés. Les semaines comprenaient une rencontre avec la police nationale, une sensibilisation aux dangers d’une conduite à risque, la découverte du monde associatif, de l’Economie sociale et Solidaire, en supplément des enseignements du code de la route et de la conduite, nécessaires au passage du permis.



« La Maison D’La Bécane », bien que créée par l’Association de Prévention Spécialisée, était administrée par un Comité de Pilotage comprenant diverses associations et institutions du territoire et peu à peu des partenariats se sont développés. De nombreux citoyens, tous âges confondus, trouvaient un intérêt à fréquenter cet endroit et des dynamiques d’entraides intergénérationnelles se sont développées. C’est devenu un lieu de passage régulier, où l’on se donne rendez-vous, où l’on se rencontre...



A l’heure actuelle, l’association de prévention spécialisée est en passe de se retirer et « La Maison D’La Bécane » se voudra portée par un ensemble de structures s’étant accordée à coordonner le lieu : une association de réparation de vélo, un centre de formation qui viendra occuper les locaux pour ses cours sous forme de travaux pratiques, une mutuelle de motards qui assurera des permanences pour ses adhérents. Les habitants, particuliers, bénévoles et adhérents s’étant attachés à ce lieu pourront continuer de s’y investir.





III ) CONCLUSION

Les travailleurs sociaux en Prévention Spécialisée exercent donc en pratiquant l’aller-vers et leur intervention est soumise au principe de libre adhésion. Ces deux composantes offrent davantage de temps et permettent d’être au plus près de la population du territoire sur lequel ils sont mandatés. Un travail de proximité et à long terme est ainsi possible.

Il est nécessaire d’être disponible et d’offrir une écoute afin de circonscrire au mieux les attentes et les besoins du public accompagné afin de proposer un soutien, un étayage aux projets et dynamiques qui émergent. Ils participent de cette manière à une forme de transformation sociale au cœur même de l’espace d’habitation des jeunes du public cible. Les personnes ainsi accompagnées sont placées en position d’auteurs, de moteurs et d’acteurs de leurs projets, quelle qu’en soit la forme.

Résumé en Anglais


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