Fiche Documentaire n° 5992

Titre L’épistémologie post-pauvreté : les résultats de l’espace collaboratif « Croiser les savoirs avec tou.te.s ».

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l'auteur principal

Auteur(s) NORMAND valérie
VERNAY Marion
BOUSQUET Cathy
 
     
Thème Un tiers-lieu réflexif sur la recherche participative associant personnes ayant l’expérience de la pauvreté et/ou de l’exclusion sociale, chercheur.e.s et praticien.ne.s de l’intervention sociale : une pratique émergente reposant sur un partenariat désormais incontournable  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

L’épistémologie post-pauvreté : les résultats de l’espace collaboratif « Croiser les savoirs avec tou.te.s ».

Depuis 2019, l’Espace collaboratif « Croiser les Savoirs avec tou·te·s » rassemble des partenaires liés par la conviction que la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale a besoin de connaissances co-construites entre différents types de savoirs, y compris le savoir d’expérience de ceux et celles qui vivent ou ont vécu des situations de pauvreté ou d’exclusion.

Les partenaires fondateurs de cet espace, signataire d’une convention en 2019, sont le CNRS (via le GIS Démocratie et Participation), le Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam) et le mouvement ATD Quart Monde. Sont associés le Centre social des trois Cités et la Fédération des Centres Sociaux (FCSF), Faire Economie Sociale et Solidaire et le Conseil départemental des Pyrénées-Orientales.

Cet espace collaboratif contribue à l’élaboration d’une « épistémologie post-pauvreté » : un ensemble de pratiques et de réflexions qui vise à produire des connaissances et à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en mettant fin aux injustices épistémiques. C’est une contribution à la justice épistémique, qui consiste à reconnaître que chaque individu, chaque catégorie de personnes a la capacité de produire du savoir.

Ses objectifs :
Approfondir les questions épistémologiques, éthiques et méthodologiques que soulèvent les recherches participatives en croisement des savoirs avec des personnes en situation de pauvreté ;
Questionner jusqu’à supprimer la hiérarchie entre les différents savoirs, en interrogeant les critères de validation et de légitimité des savoirs, dans la lignée des épistémologies radicales ;
Soutenir la production et la diffusion de recherches qui font entrer en dialogue, à toutes les phases, ces différents savoirs, en France et à l’international ;
Faire reconnaître et valider les nouveaux savoirs qui sont issus de ces recherches et les capitaliser ;
Contribuer au développement d’agir ensemble de tou.te.s.

Sa mise en œuvre :
L’espace collaboratif est constitué de chercheur.e.s académiques, de praticien.ne.s, de personnes en situation de pauvreté soutenues par une association. L’organisation en groupes de pairs, permet à chacun.e de formaliser et de partager librement et en sécurité avec ses pairs ses expériences, ses connaissances et ses questions, afin d'élaborer un savoir, un cadre d’interprétation et un questionnement collectifs et propres à son groupe, avant de le confronter à celui des autres groupes.
Le travail en groupes de pairs se fait selon une temporalité et un calendrier propres à chacun des groupes. Il sert de base au croisement des savoirs qui a lieu lors des journées plénières.

Un comité pédagogique, composé de représentant.e.s des différents partenaires, assure l’animation des groupes de pairs, joue un rôle de médiation entre les questionnements et analyses émergeant dans chaque groupe de pairs et assure la coordination et l’animation des journées en croisement des savoirs

Ses productions :
Durant 3 ans, sept journées de plénière ont permis de faire émerger et de mettre au travail trois thèmes en particulier :
1. « Mixité/non mixité (les groupes de pairs) dans les recherches participatives avec des personnes ayant l'expérience de la pauvreté et/ou de l'exclusion»
2. « Co-production jusqu’au bout des recherches participatives avec des personnes ayant l'expérience de la pauvreté et/ou de l'exclusion »
3. « Critères d'évaluation des recherches participatives avec des personnes ayant l'expérience de la pauvreté et/ou de l'exclusion »
Les résultats ont été présentés ainsi que de nombreuses questions soumises à approfondissement lors du colloque des 15 et 16 novembre derniers à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord.

Le travail mené par l’espace collaboratif constitue en lui-même une pratique émergente de recherche dans un contexte où la pauvreté s’impose comme un élément-clé des crises auxquelles nous sommes actuellement confrontés. Intégrer ce type de pratique et ses résultats à la recherche et à la formation en travail social soutiendrait l’élaboration de réponses éthiques adaptées.

Bibliographie

Groupe de recherche Quart Monde Université, Le croisement des savoirs. Quand le Quart Monde et l’université pensent ensemble, Paris, Editions de l’Atelier/Editions Quart Monde, 1999.
Quart Monde Partenaires, Le croisement des pratiques. Quand le Quart Monde et les professionnels se forment ensemble, Paris, Editions Quart Monde, 2002.
Ferrand Claude (dir.) Le Croisement des pouvoirs. Croiser les savoirs en formation, recherche, action, Paris, Editions de l’Atelier/Editions Quart Monde, 2008.
Brun Patrick, Carrel Marion, Warin Philippe, La Lettre de l'INSHS « Construire les savoirs avec tou.te.s ? Recherches participatives avec les personnes en situation de pauvreté »/ Institut des sciences humaines et sociales, Centre national de la recherche scientifique, mai 2018, p. 7-8
Carrel Marion, Loignon Christine, Boyer Sophie, De Laat Marianne, « Les enjeux méthodologiques et épistémologiques du croisement des savoirs avec les personnes en situation de pauvreté. Retours sur la recherche ÉQUIsanTÉ au Québec », Sociologie et Sociétés, vol. XLIX, n°1, 2017, p. 117-140.
Gélineau Lucie, Dufour Emilie et Beliste Micheline, « Quand recherche-action participative et pratiques AVEC se conjuguent : enjeux de définition et d’équilibre des savoirs », Recherches qualitatives, Hors Série, n°13, 2015, p. 35-54.
Béal Arnaud et al., « Le projet « Capdroits » ou comment la recherche en sciences sociales peut-elle participer à l’amélioration de l’exercice des droits de personnes en situation de handicap », Cliniques juridiques, Volume 2, 2018
Théorisations
Anadon M. (dir.), La Recherche participative : multiples regards, Québec, Presses universitaires du Québec, 2007.
Agrawal A., “Dismantling the divide between indigenous and scientific knowledge”, Development and Change, 1995, 26 (3), p. 413–439.
Visvanathan Shiv (2009). "The search for cognitive justice". Retrieved January 7, 2011.
L’implication citoyenne dans la recherche, Vie sociale, n° 20, Cedias Musée Social, Erès, 2018.

Présentation des auteurs

L'espace collaboratif « Croiser les savoirs avec tou.te.s » a pour finalité la reconnaissance du savoir issu de l’expérience de la pauvreté. Il se fonde sur le postulat que la production des connaissances utiles à la lutte contre la pauvreté passe par la co-construction entre le savoir d’expérience de vie et les savoirs venant d’autres sources (l’action, la recherche académique, la politique...), ainsi que par le croisement des différentes interprétations et analyses.

L’espace collaboratif est constitué de chercheur.e.s académiques, de praticien.ne.s, de personnes en situation de pauvreté soutenues par une association. Il est organisé en groupes de pairs.

Cette communication est proposée par le groupe de pairs de praticiennes en accord avec le Comité Pédagogique de l’Espace Collaboratif.

Valérie Normand, praticienne, Facilitatrice en intelligence collective (Paris, France)

Maud Rieffel, praticienne, Cadre pédagogique Formatrice filière Educateur Spécialisé, Institut Régional du Travail Social Champagne Ardennes, (Reims, France)

Mégane Reginal, praticienne, Chargée de mission Habitat Inclusif, Pôle Conventions d’objectifs, Bientraitance, Evaluation des activités (COBE), Union Nationale des Associations Familiales, (Paris, France)

Cathy Bousquet, praticienne, sociologue, ancienne responsable de formation au sein du Pôle IRTS de Montpellier de FAIRE ESS (Montpellier, France)

Marguerite Kamara, praticienne, Conseillère technique Conseil Départemental des Côtes d’Armor - Direction enfance famille (Saint-Brieuc, France)

Emmanuelle Murcier, praticienne, déléguée nationale de l’ Association Fédérative des Universités Populaires de Parents et des Initiatives Parentales Citoyennes (Montreuil, France)

Marion Vernay, praticienne, cadre pédagogique et coordinatrice des projets transfrontaliers et européens au sein du Pôle IRTS Perpignan de FAIRE ESS (Perpignan, France)

Elsa Piou-Iliassi, membre du comité pédagogique et animatrice du groupe de praticiennes, coordinatrice du Pôle Ressources Développement Social au sein du Pôle IRTS Perpignan de FAIRE ESS (Perpignan, France)

Noëllie Greiveldinger, membre du comité pédagogique et animatrice du groupe de praticiennes, psychologue Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales en charge des démarches participatives.

Communication complète

L’épistémologie post-pauvreté : les résultats de l’Espace collaboratif « Croiser les savoirs avec tou.te.s ».



L’Espace collaboratif « Croiser les savoirs avec tou.te.s » s’inscrit dans une histoire initialement portée par le Mouvement ATD Quart Monde. Lors d’un colloque à l’UNESCO, en 1980, Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde, nomme trois sources de savoirs : l'étude, la pratique et l'expérience de vie en situation de pauvreté. Pour lui, il s’agit de « réussir la collaboration entre chercheur.e.s, populations paupérisées et équipes d'action » comme moyen pour l’éradication de la misère. Depuis, la démarche de croisement des savoirs et des pratiques © se développe dans différents espaces de travail.



En 2015, un séminaire sur « l’épistémologie des recherches participatives et en croisement des savoirs avec des personnes en situation de pauvreté » organisé dans le cadre d'une convention entre le CNAM et ATD Quart Monde a donné lieu à un appel au développement de ce type de recherches et a conduit au partenariat ATD, CNAM, CNRS (GIS Démocratie et Participation) qui donnera naissance à l'Espace collaboratif.



En 2019, le Centre social des trois Cités de Poitiers et la Fédération des Centres Sociaux (FCSF), l'association FAIRE ESS "Formation, Apprentissage, Innovation, Recherche, Éducation, en Economie Sociale et Solidaire », et le Conseil départemental des Pyrénées-Orientales rejoignent le projet.



L’Espace collaboratif (Espace Co) est un espace de réflexion associant chercheurs, praticien.ne.s et personnes ayant l'expérience de la précarité et de la pauvreté avec pour objectifs communs :



• La production de nouvelles connaissances issues de l’expérience de vie des personnes en situation de pauvreté



• L’établissement de nouvelles collaborations entre chercheur.e.s, populations paupérisées et équipes d’action professionnelles.



Notre communication retrace :

• Les questions de recherche traitées,



• Les éléments structurants qui ont permis de tenir les enjeux de la co-construction recherchée,



• Les résultats co-construits.

Il ressort de cette expérimentation, une place accordée à la créativité comme ressource commune et capacité disponible pour coopérer. Celle-ci a constitué un levier pour produire des résultats concrets et identifier des processus de sorties de crise. Elle est aussi la source des écueils rencontrés, des obstacles inhérents à dépasser, pour faire tenir tous les « Je » assemblés en « Nous ».





1 - Nos questions de recherche



Les rencontres entre l'Espace Co et l’équipe de la recherche participative « Dimensions cachées de la pauvreté », conduite par ATD Quart Monde et l'université d'Oxford ainsi que l'équipe de Cap droits, ont fait émerger trois questions de recherche :



• Est-ce que le travail en groupe de pairs est une condition nécessaire pour la co-construction d’un savoir utile à la lutte contre la pauvreté ?



• Que signifie la co-production jusqu’au bout ?



• Quelle validation et évaluation des recherches participatives en croisement des savoirs ?







2 - Les éléments structurant la mise en œuvre de l’Espace collaboratif



Les objectifs dévolus à l’Espace Co ont été préciser ensemble dès le démarrage :



• Approfondir les questions épistémologiques, éthiques et méthodologiques que soulèvent les recherches participatives en croisement des savoirs avec des personnes en situation de pauvreté ;



• Questionner, jusqu’à supprimer la hiérarchie entre les différents savoirs, en interrogeant les critères de validation et de légitimité de ces savoirs, dans la lignée des épistémologies radicales ;



• Soutenir la production et la diffusion de recherches qui font entrer en dialogue, à toutes les phases, ces différents savoirs en France et à l’international ;



• Faire reconnaître et valider les nouveaux savoirs qui sont issus de ces recherches et les capitaliser ;



• Contribuer au développement d’agir ensemble de tou.te.s.





Le comité pédagogique : l'armature du dispositif



C’est sur ces bases que le Comité pédagogique a été constitué et a préparé le travail de recherche auquel nous avons tous et toutes contribué pour en faire une véritable co-production au niveau de la méthode, de l’épistémologie et de l’éthique.



Le comité pédagogique était composé de représentant.e.s des différentes parties prenantes : trois chargées de recherche, trois membres d’ATD Quart Monde, un animateur d’un centre socio-culturel d’une cité, deux cadres professionnels d’institutions partenaires. Ce comité, dont certains membres étaient aussi les animateurs des groupes s’est attaché à préparer la mise au travail des questions de recherche « en croisement des savoirs », c’est à dire : la préparation du sujet avec un va et vient entre groupes de pairs (rassemblant des personnes dont l'expérience et la responsabilité commune sont la base de la réflexion) et groupes mixtes (qui mélangent les personnes des groupes de pairs). Par exemple, le comité a permis d’accompagner l’expérimentation et la formalisation des groupes de pairs, à tou.te.s, alors que ceux-ci étaient initialement issus et conçus avec les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion. Le comité a aussi recherché les modalités pour permettre la continuité du travail et des échanges réflexifs pendant la période COVID où les rencontres en présentiel ont été interrompues.



Au-delà de la coordination et de l’animation des journées en croisement des savoirs, le comité a joué un rôle de médiation entre les questionnements et les analyses émergeant dans chaque groupe de pairs, que ce soit pendant les plénières, ou entre les séances. Ainsi, il a été porteur des tensions exprimées, les a prises en compte et a cherché constamment leur dépassement. Ce travail de traduction est un des éléments essentiels de la co-construction tenue et réussie tout au long du processus.



L’inclusion d’autres questions de recherche sont apparues, chemin faisant, notamment portées par le groupe des praticiennes. En effet, notre groupe a pu faire émerger une question reprise ensuite par l’ensemble des participants comme axe de travail important : la question de la place des émotions dans l’émergence de la réflexion et de la co-construction.







Les groupes de pairs - Les plénières - Le colloque : une participation en actes



L’Espace Co s’est construit avec la participation de trois groupes de pairs :



- des personnes, déjà en association, ayant l’expérience de la pauvreté ou le vécu de l’exclusion issues de plusieurs villes de France et de Belgique,



- des chercheur.e.s académiques ou d’autres institutions,



- des praticiennes de l’intervention sociale.



Le travail s’est déroulé entre 2019 et 2022 avec 7 journées de plénières. La crise sanitaire est intervenue alors que nous commencions notre travail collectif. En effet, le croisement des savoirs s'appuie sur des outils divers (langage, théâtre-image, scénettes...) qui imposent le présentiel. Nous avons réussi une forme de croisement des savoirs « à distance » grâce à des questions/réponses écrites échangées entre groupes de pairs et à quelques séances zoom.





La recherche s'est terminée en novembre 2022 par l'organisation de deux journées de présentation par une quarantaine de membres de l’Espace Co, et la mise en discussion de nos résultats avec plus d'une centaine de participants. Un film de ces journées a été réalisé en soulignant la notion de « copropriété » de la recherche conduite et de ses résultats. Cette notion est une source de légitimité pour chaque membre de l’Espace Co pour aller les présenter dans son propre écosystème.





3 - Les résultats de la recherche en croisements des savoirs



Les résultats concernent les trois axes de recherche ouverts par l’Espace Co sous la forme d’une co-production avec des accords construits tout au long de la recherche. Certains points ne sont pas encore aboutis car ils nécessitent des approfondissements ou parce qu’ils ont permis l’expression de désaccords et de nouvelles questions à travailler.



Concernant la question des « groupes de pairs », il est important de souligner que cette question faisait vraiment débat et que le consensus n’existait pas autour de cette forme de travail et de sa finalité entre les différents membres et groupes. L’expérimentation réalisée par chaque groupe et le processus mené a permis de dépasser les oppositions et de conclure collectivement :



• Le groupe de pairs est indispensable pour rencontrer/travailler avec les autres groupes en mixité dans de bonnes conditions.



• Le groupe de pairs s’inscrit dans un processus qui nécessite un temps long, qualitatif.



• L’animateur doit avoir conscience des rapports de domination qui existent dans tous les groupes. 



En ce qui concerne la question du « coproduire jusqu’au bout », nous avons travaillé à partir de récits d’expériences réussies ou pas, issues des membres des groupes de pairs et d’une vidéo racontant une expérience de recherche participative. Nous avons analysé ces matériaux en croisements des savoirs. Cela nous a conduit à modifier et à préciser la question de départ : « tout coproduire, du début à la fin ». La coproduction n’arrive pas à un moment du processus, elle est une attention permanente et s’inscrit dès le démarrage du travail, du processus lui-même. Elle nécessite la prise en compte de points de vigilance nécessaires que nous avons listés :

• Prendre en compte les rapports de domination.

• Poser un cadre qui sécurise et qui est capable d’évoluer.

• Construire le respect et la confiance : une responsabilité des co-chercheur.e.s et de l'équipe d’animation.

• Accueillir les émotions et en faire des sources de connaissance.

• Bénéficier du savoir de tou.te.s et pas seulement de celui des plus défavorisés, pas de condescendance !

• Co-écrire pour garantir le respect de la pensée de chacun.e.

• Aller jusqu’à activer les résultats ensemble.



Autour de la question «quelle validation et évaluation des recherches participatives en croisement des savoirs ? », il était important d’apporter des éléments de réponse qui attestent du caractère scientifique de l’expérimentation et de la validité des connaissances ainsi produites. Il ne s’agit pas de produire un savoir moindre, ni de réduire les exigences des résultats. Ces attendus sont liés à des spécificités que nous pouvons formuler et qu’il est important de connaître pour pouvoir s’engager dans cette démarche. Les résultats de ce type de recherche sont ainsi liés à des critères spécifiques que nous avons retenus, ce que Marion Carrel (co-directrice du Groupement d’Intérêt Scientifique « Démocratie et Participation » (CNRS/ MSH Paris Nord) nomme l’épistémologie post-pauvreté, pour indiquer ce que les pratiques et les réflexions conduites visent explicitement. Cela suppose de lutter contre l’injustice épistémique, c’est à dire l’impossibilité de participer à la production des connaissances utiles aux transformations recherchées.



Dans cette visée, nous avons recherché des critères valides pour aller vers une épistémologie post-pauvreté, validité toujours accordée par les pairs. Nous avons examiné le travail de la recherche Pop-Part (POP-PART est un projet de recherche participatif et pluridisciplinaire qui entend analyser les reconfigurations sociales et urbaines en cours dans les quartiers populaires soumis à un contexte de métropolisation) et nous avons réfléchi aux questions qui venaient de nos propres attentes en conservant la méthode du croisement des savoirs. 



Nous avons retenu des critères permettant de soutenir ce qui peut constituer les exigences d’une recherche participative en croisement des savoirs pour une épistémologie post-pauvreté. Les neufs critères formulés constituent les points de vigilance que nous proposons à la discussion et à la réflexion au regard de l’objectif que nous avons désigné.





Les 9 critères :

• « Avec QUI faisons-nous de la recherche ? » :

◦ Chaque groupe de pairs est représentatifs de son milieu pour pouvoir construire un savoir collectif.

◦ Être allé à la rencontre des personnes en situation de pauvreté et ou d’exclusion les plus éloignées (à définir).



• « COMMENT on fait la recherche ? » :

◦ Présence et égalité de tous les acteurs à toutes les étapes de la recherche-action.

◦ Evolution des questions de recherche.

◦ Tou.te.s se retrouvent dans le résultat, qui peut être un désaccord.



• «  les RÉSULTATS et les EFFETS » :

◦ Transformation chez tous les participants avec un développement du pouvoir d’agir.

◦ Changer la société.

◦ Ne pas aggraver les exclusions.

◦ Produire de nouvelles connaissances.





La mise en discussion de ces critères, lors des ateliers du colloque participatif de novembre 2022, a permis de croiser les jugements de valeurs sur les savoirs scientifiques, pratiques, expérientiels, ancestraux, etc …, utiles à l’être humain pour faire face à la complexité des réalités de vie et nécessaire au respect de la dignité de toute personne. Cela pose notamment la question des Savoirs comme Communs et la place des savoirs scientifiques dans la démocratie. La hiérarchie des savoirs renvoie à la hiérarchie entre les personnes. Une certaine porosité entre les milieux et des échanges dialogués sont nécessaires pour avancer dans cette perspective et c’est ce que nous avons mis en place et expérimenté dans l’Espace Co.





Conclusion



Le travail mené par l’Espace Co constitue en lui-même une pratique émergente de recherche dans un contexte où le développement de la pauvreté sous différentes formes s’impose comme un élément-clé des crises auxquelles nous sommes actuellement confrontés. Intégrer ce type de pratiques et ses résultats à la recherche et à la formation en travail social constitue une base pour élaborer de nouvelles réponses et participer à la redistribution des zones de pouvoir respectives.



Aujourd’hui, au même titre que les autres membres de l’Espace Co, nous sommes co-chercheuses et co-propriétaires des résultats. Cette communication, proposée par le groupe des praticiennes dans le cadre du Congrès de l’AIFRIS, a été relue par des membres des autres groupes de pairs dans la continuité de la participation en actes. La collaboration construite nous engage dans un travail de diffusion des résultats dans chacun de nos milieux pour poursuivre le travail de transformation sociale visée.



Cette aventure, qui s’est déroulée sur plusieurs années et entre plusieurs milieux, nous conforte individuellement et collectivement dans nos orientations et postures professionnelles parfois difficiles et surtout actuellement en contexte institutionnel. Nous avons gagné en confiance, en légitimité pour transmettre cette expérimentation, ces résultats et tout particulièrement au sein des milieux de la formation.

Résumé en Anglais


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