25 ans de recherches-actions collaboratives, quelles leçons tirer des principales expériences ?
Depuis 1988, j’ai piloté en qualité de sociologue, plusieurs recherches–actions successives, qui présentent toutes des caractéristiques communes. Elles répondent toutes aux neuf critères que l'on retient communément (Mc Kernan, 1991) pour caractériser une recherche action, à savoir conduire un processus de recherche en lien avec un plan d'action, se saisir de l’ action comme outil de recherche, avec la participation d’un groupe de personnes, observer et faire une analyse critique des pratiques. Toutes ont eu pour objet de préparer ou d'accompagner des changements organisationnels dans des établissements d'enseignement agricole en questionnant pour mieux les comprendre les valeurs et les croyances qui sous-tendent les pratiques de chacun et les logiques poursuivies dans les actions collectives. Toutes ont été réalisées en collaboration avec une équipe de « praticiens » pluri catégorielle (direction, enseignants, non enseignants) et de lycéens.
Ces démarches de recherche action ont été nourries par les méthodes et outils d’investigation développées depuis le début des années « 80 », particulièrement en éducation dans les pays anglo-saxons, tandis qu’après le colloque INRP de 1986, « Recherche-action, formation : quelle articulation ? » cette méthodologie était marginalisée en France.
Dans le cadre de notre communication, je retiendrai trois expériences qui se distinguent par la posture du chercheur, plus que par les techniques et méthodes pour donner un aperçu des trois types de recherche action définis par Mc Kernan.
Premier exemple, de type, «technique» à visée instrumentale, la recherche action « Programmation architecturale participative et projet d’établissement », mise en œuvre de 1987 à 1990 par un tandem sociologue-architecte dans cinq établissements d'enseignement agricole public et privé, autour de la problématique des pratiques et usages des espaces bâtis et non bâtis de l’établissement. Les processus ont abouti à la production d'un cahier des charges, appelé schéma directeur, pour planifier et définir un programme d'aménagement ou de construction.
Deuxième exemple, de type «compréhensif», le projet européen PPePee,« Projet Personnel de l’élève et politique éducative d’établissement » qui a privilégié de 1996 à 2000 , l'analyse des pratiques d’accompagnement des élèves pendant leur scolarité, dans le cadre de « focus groups » adultes-élèves au sein de 13 établissements scolaires, répartis entre cinq pays européens, et la mutualisation de « bonnes pratiques » qui a débouché sur la construction d’un modèle théorique et opératoire d’accompagnement de l’élève (Monitoring-Support system- Empowerment), sur des séminaires européens de formation et sur la construction d’un site bilingue d’échange d’expériences, le site EPIC .
Troisième exemple, de type« réflexif et critique », le projet européen EPIDORGE, « Elèves et pouvoir d’initiative dans l’organisation quotidienne de l’établissement » qui avait pour but de favoriser la capacité d’agir des jeunes et des adultes dans l’organisation de leurs conditions de vie et de travail, de 2004 à 2008, au sein de six équipes d'établissement scolaire dans six pays européens distincts. EPIDORGE a permis de réinvestir les méthodes et outils éprouvés dans les expériences précédentes, en mettant l’accent sur l’apprentissage organisationnel et l’introduction de changements concrets.
A la lumière de ces trois expériences, j’analyserai dans ma communication les différents modes de collaboration entre chercheurs et praticiens pour en tirer quelques leçons sur les points- clés communs aux processus, les compétences mobilisées, les situations critiques et les conditions de réussite d’une vraie démarche collaborative.
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