Les recherches collaboratives… passerelles entre science et société, liens privilégiés entre besoins sociaux et travail social, opportunités remarquables de formation

Les recherches collaboratives (RC) et les recherches-action (RA) ont une place particulière en travail social, pour de multiples raisons. Clandestines ou revendiquées, agiles et rigoureuses, elles s’adossent à ses valeurs et s’inspirent de ses logiques.
Elles appartiennent à la galaxie des démarches scientifiques (Liu, 1997 : 83) mobilisant des acteurs tant individuels, institutionnels qu’associatifs afin de produire des connaissances renouvelées et de générer des transformations d’ordre divers (notamment politiques, institutionnelles, territoriales, personnelles). Elles s’offrent ainsi aux acteurs comme des démarches interactives qui leur permettent une implication négociée, des défis de coproduction à chaque fois singulier (Audoux, C., Gillet, A., 2011) ; elles progressent dans une dynamique de circularité par phases interdépendantes (Goyette, G., Lessard-Hébert, M., 1987 : 168 ; Barbier, R., 1996 : 60 ; Lavoie, L., Marquis, D., Laurin, P., 1996 : 145-159), dans une temporalité non linéaire (Goyette, G., Lessard-Hébert, M., 1987 : 168 ; Barbier, R., 1996 : 60 ; Lavoie, L., Marquis, D., Laurin, P., 1996 : 145-159). Elles requièrent des logiques conceptuelle et méthodologique, faite d’inventivité, de flexibilité, de récurrence.
Les recherches collaboratives s’affirment comme des passerelles privilégiées entre science et société puisqu’elles s’ancrent dans des besoins réels et des problématiques significatives pour les acteurs qui les sollicitent. Elles prennent place dans les dynamiques socio-politiques et institutionnelles concernées ; elles évoluent, conditionnées par ces réalités et leur complexité (Lavoie, L., Marquis, D., Laurin, P., 1996 : 39-41).
Depuis plus de 30 ans en Suisse romande, des recherches collaboratives sont menées en travail social touchant des problématiques sociales et politiques multiples , des périmètres d’envergures différents et des modes opératoires différenciés . Elles s’avèrent être aussi des espaces de co-formation innovants et fructueux pour tous les acteurs, chercheur/ses, groupes sociaux ou territoires impliqués.
Les formations en travail social s’intéressent à plus d’un titre aux RC, car elles facilitent notamment la compréhension de questions sociales ou de réalités socio-politiques par la prise en compte et la valorisation des savoirs d’expériences des groupes sociaux concernés ou/et d’acteurs « faibles » (Payet, 2011) ; elles promeuvent des processus efficaces de soutien à l’empowerment des acteurs, et peuvent devenir, dans ce sens, des modes d’intervention mutualisant connaissances et changements.
Sur la base d’une objectivation d’expériences menées, cette communication va tout d’abord interroger les raisons (politiques, éthiques et épistémiques) qui peuvent expliquer les liens privilégiés entre RC et travail social. Elle va tenter de dresser une typologie critique des recherches collaboratives réalisées en montrant leur diversité et leurs points communs.
Puis, elle tirera parti des enseignements d’un module sur la « Recherche-intervention et les évaluations », qui prend place dans le Master en travail social et qui permet à de nombreux/ses étudiant-e-s de s’introduire à la RC. Les évaluations formatives de ces cours explicitent des apprentissages multiples (transformations identitaires, enrichissement des processus d’intervention et diversification des modes réflexifs collectifs).
Cette communication s’achèvera par une brève présentation de la Plateforme de la Recherche-action en Suisse (https://recherche-action.ch) qui va être mise en ligne et qui a pour ambition de valoriser, faire connaître et fédérer les acteurs et les projets qui se rattachent aux logiques des recherches collaboratives dans différents domaines (social, santé, éducation, développement, économie sociale et solidaire, urbanisme et développement durable). Dans la logique de la RA, cette plateforme entend s’adresser et donner la parole aux multiples acteurs (professionnel-le-s, politiques et scientifiques). Elle est aussi une capitalisation des expériences et des savoirs produits à disposition.

Audoux, C., & Gillet, A. (2011). Recherche partenariale et co-construction de savoirs entre chercheurs et acteurs, Revue interventions économiques, 43, URL : http://interventionseconomiques.revues.org/1347
Bazin, H. (2018). Les enjeux d’une science citoyenne au cœur de la société, in Recherche-action et écriture réflexive : la pratique innovante des espaces comme levier de transformation sociale, coordonné par Hugues Bazin, Cahiers de l’action no 51-52, Jeunesses, pratiques et territoires, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, Observatoire de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (INJEP).
Bourassa, B., (2015). Recherche(s)-actions(s)S : de quoi parle-t-on ? in Les chercheurs ignorants, Les recherches-actions collaboratives, une révolution de la connaissance. Paris, France : Presses de l’EHESP.
Gardien, E. (2017). Qu’apportent les savoirs expérientiels à la recherche en sciences humaines et sociales. Vie Sociale, vol. 4, n°20, 31-44. https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2017-4-page-31.htm
Goyette, G., Lessard-Hébert, M. (1987). La recherche-action, ses fonctions, ses fondements et ses instrumentations. Montréal : Presses Universitaires du Québec.
Godrie, B. (2017). Rapports égalitaire dans la production des savoirs scientifique. Vie Sociale, vol. 4, n°20, 99-116. https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2017-4-page-99.htm
Lavoie, L., Marquis, D., Laurin, P. (2008). La recherche-action : théorie et pratique : manuel d’autoformation. Sainte-Foy : Presses Universitaires de Québec.
Liu, M., (2002), Fondements et pratiques de la recherche-action. Paris : L’Harmattan.
Lyet, P. (2014). Renouveler les pratiques de construction de construction des savoirs dans les ‘’recherches collectives’’, Le sociographe, n°5
Mayer, R., Ouellet, F., St-Jacques, M.-C., & Turcotte, D. (2000). Méthodes de recherche en intervention sociale, Boucherville, Canada : Editions Gaëtan Morin.
Payet, J.-C. (2011). L’enquête sociologique et les acteurs faibles, SociologieS. La recherche en actes. Champs de recherche et enjeux de terrain, Mis en ligne le 18 octobre 2011.
Petiau, A. & Pourtau, L. (2011). Regard sur la participation de populations marginalisées à la recherche-action. Le cas des squatteurs en Ile-de-France, Revue Interventions économiques [En ligne], n°43, mis en ligne le 01 mai 2011.
Piron, F. (2010). La citoyenneté scientifique contre l’économie marchande du savoir. Un enjeu d’éthique publique, Ethique publique, vol.12, n°1, Responsabilité sociale et éthique de la recherche
Petit, S., Soulard, C.-T. (2015). Rencontres par-delà les frontières : l’analyse du dispositif pour et sur le développement régional. Dans les chercheurs ignorants (dir), Les recherches-actions collaboratives, une révolution de la connaissance. Paris, France : Presses de l’EHESP.
Resweber, J-P. (1995). La recherche-action. Paris : PUF.
Tochon, F.V. (2004). La recherche-intervention éducative. Montréal : Presses de l’Université du Québe

Marie-Claire Rey-Baeriswyl est professeure à la Haute Ecole de travail social Fribourg à Fribourg en Suisse.
Elle a conduit pendant 18 ans le département des prestations de service de son école qui assumait les mandats reçus ; ainsi, en collaboration avec différents partenaires (politiques, associatifs et institutionnels, professionnels notamment), elle a conçu et conduit de nombreuses recherches collaboratives et participatives, sous forme de recherches-action, de recherches-interventions, d’évaluations participatives différenciées (analyse de besoins sociaux, appuis à l’élaboration de politiques sociales, développement des organisations sociales, adaptation de prestations sociales, évaluations de projets pilote, etc. ; voir : http://www.hets-fr.ch/fr/prestations/prestations-realisees/RM).
Elle dispense au Master en travail social de la HES-SO, un module intitulé « Recherche-intervention et évaluations ».
Elle a précédemment travaillé à l’Université de Fribourg, au Département de travail social et politique sociales, sur ces mêmes thématiques.

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